Réfractions, recherches et expressions anarchistes
Slogan du site
Descriptif du site
Anticapitalisme / post-capitalisme
Jérôme Baschet
Article mis en ligne le 27 avril 2011
dernière modification le 27 avril 2013

Ce texte a été présenté le 30 décembre 2009 à San Cristobal de las Casas, Chiapas,
lors d’un colloque organisé au Cideci-Unitierra (Centre Indigène de Formation
Intégrale – Université de la Terre) à l’occasion de la publication du livre
Planeta
Tierra : movimientos antisistémicos

.
Ce livre était lui-même le résultat d’un
premier colloque tenu deux ans plus tôt, en décembre 2007, à la mémoire de
l’anthropologue et historien André Aubry,
qui consacra
sa vie à l’étude de la réalité
chiapanèque et à l’accompagnement des communautés indigènes, au point que les
zapatistes le proclamèrent Doctor liberationis conatus causa. Jérôme Baschet vit la
moitié de l’année à San Cristobal et l’autre
moitié à Paris,
où il enseigne à l’EHESS.

A
fin d’inscrire mon propos
dans la suite des réflexions engagées
lors du Premier Colloque international en l’honneur d’André
Aubry « Planète Terre : mouvements antisystémiques », puis lors
du
Festival mondial de la digne rage
, ici même [à San Cristobal], en janvier
2009, je commencerai par rappeler brièvement et partiellement
quelques-unes des questions qui ont alors dominé la discussion
 :

— Comment caractériser les réorganisations (ou désorganisations) les
plus récentes du capitalisme ?
Les asymétries classiques entre centre et
périphérie sont-elles toujours prépondérantes ? Entrons-nous dans un
monde lisse,
en voie d’homogénéisation ? Ou bien assistons-nous à un
processus de reterritorialisation, à une nouvelle guerre de conquête pour
les ressources naturelles, dans laquelle le nord et le sud sociaux (c’est-à-dire
le haut et le bas) prédominent sur le Nord
et le Sud géopolitiques ?

— L’heure est-elle aux étapes finales – du néolibéralisme, de la
superpuissance états-unienne ou du capitalisme ? La crise actuelle est-elle
la crise ultime du capitalisme ou un simple désajustement cyclique ? Une
expression de plus du néolibéralisme comme crise permanente ? Un
exemple supplémentaire de la stratégie du choc, propre au capitalisme du 48
désastre ?

Ou bien est-ce le début d’un
processus durant lequel le capitalisme
pourrait parvenir à prolonger son expan-
sion malgré les contradictions et limites
qu’il lui devient de plus en plus difficile de
dépasser ? Ici la discussion implique, parmi
d’autres difficultés, une question de
rythme : nous ne devons aller ni trop vite
(en besogne) ni trop lentement, et éviter
tant d’exagérer les transformations en
cours que de minimiser ce qui se laisse
entrevoir de nouveau.

— Parler de phase terminale du
capitalisme implique-t-il son effondrement
inéluctable ou bien, comme y insiste la
quatrième des sept thèses sur les mouve-
ments antisystémiques, « le capitalisme n’a
pas pour destin inévitable son auto-destruction,
à moins qu’elle n’inclue le
monde entier », parce que « l’idée apo-
calyptique que le système s’effondrer
a
de
lui-même est erronée » ?

— Comment concevoir la sortie du
système capitaliste,
une fois abandonné le
modèle de LA révolution, assimilée à la
prise de pouvoir étatique ? Le capitalisme
lui-même génère-t-il des potentiels libérateurs, comme le travail coopératif et la
reproductibilité illimitée et gratuite des
biens immatériels,
qui ouvrent la voie à un utre logique systémique ? Est-il possible
de fuir le capitalisme, de le déserter, de
s’en déconnecter afin de cesser de le
reproduire ? L’autonomie zapatiste, dont
les avancées ont été présentées il y a un an
par la commandante Hortensia et par le
lieutenant-colonel Moisés
, montre qu’il
est possible de commencer à construire un
autre monde dès maintenant, mais
jusqu’où pourront résister ces poches
d’espoir ? Elles ont une énorme valeur
politico-pédagogique, car elles dévoilent
une partie du lendemain et permettent que
germent des subjectivités déjà partielle-
ment émancipées ; mais jusqu’où les
laissera avancer le serpent qui les enserre ?

Quand arrivera le moment de vérité,
l’affrontement entre
l’élan antisystémique
et l’inflexibilité systémique
 ?

— Finalement, a été esquissée la question de sa
voir ce qui pourrait ad
venir au-
delà du capitalisme : que pourrait être une
« économie post-capitaliste » ? Comment
oser penser et rêver le post-capitalisme
 ?
C’est dans cette brèche que je souhaite
m’avancer maintenant, avec la pleine
conscience que le terr
ain est au plus haut
point glissant, si ce n’est franchement
épineux

Lire la suite