« Le ventre est encore fécond, d’où a surgi la bête immonde. » Bertolt Brecht
Cet article a été écrit avant la semaine tragique du début janvier 2015. Le meurtre de quatre Juifs dans la supérette cachère est apparu aux yeux de beaucoup comme annexe par rapport à ceux qui liquidèrent la rédaction de Charlie Hebdo. Auparavant il y avait eu ceux de Bruxelles au Musée juif, ceux de Toulouse au groupe scolaire Ozar-Hatorah. Les meurtres de Vincennes n’étaient pas un accident. Partout, dès que des troubles s’installent, des Juifs, parce que Juifs, meurent. Constitutif de l’idéologie de l’extrême droite depuis la fin du XIXe siècle, l’antisémitisme plonge ses racines dans un passé au moins bimillénaire. Dans un numéro consacré aux résurgences fascisantes, il importait de faire le point sur ce sujet.
Un juif rencontre un autre arabe. Quelle histoire courte et pourtant si lourde de non-dits ! Voilà une donnée toute simple qui contient en six petits mots une grande partie de l’histoire du monde occidental. Sur le chemin de la révolution sociale, la question de l’antisémitisme resurgit constamment. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, à cette expression particulière du racisme se mêle de façon subtile et perverse la question du sionisme et de son opposition, l’antisionisme. Il serait vain de penser que cette peste concerne uniquement les tenants d’un extrémisme de droite, que la gauche, et particulièrement l’extrême gauche, est immunisée contre elle. Le négationnisme des années 1970 nous raconte le contraire. Dans nombre de manifestations en soutien à Gaza, alors sous les bombes, sous prétexte d’antisionisme il y eut des attaques contre les Juifs en tant que tels. La question est donc de tenter de comprendre pourquoi, à travers les siècles, de façon larvée ou aiguë, la judéophobie puis l’antisémitisme surnagent et restent un écueil contre lequel nous venons nous heurter sans cesse, particulièrement dans nos sociétés euraméricaines.