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Civilisés, barbares, sauvages... et anarchistes ?
Alain Thévenet
Article mis en ligne le 1er mai 2014
dernière modification le 6 mai 2017

SONT-ILS BONS, SONT-ILS MÉCHANTS ? « ILS », C’EST NOUS, BIEN SÛR. Soit « l’homme est un loup pour l’homme », ce qui d’ailleurs ne serait pas forcément péjoratif, soit c’est, originellement un « bon sauvage », perverti par de mauvaises institutions, et il faut alors redresser la barre et lui en imposer de bonnes. D’abord, y a t-il une commune humanité ? Qu’est-ce qui unit ceux qu’on considère maintenant comme des humains et qu’est-ce qui les sépare ? Et, au-delà, quelles relations entretenons-nous (si nous existons comme une unité définie) avec ce qu’on a coutume de désigner comme la nature ? Est-ce une relation de pure extériorité ou sommes-nous partie de cette nature ?

Parmi les humains, en effet, on peut (si on veut) distinguer les civilisés (c’est nous), les barbares, dont il faut se méfier, et les sauvages, dont on peut se demander s’ils nous sont vraiment semblables. UNE COMMUNE HUMANITÉ ? Les barbares, il y en avait déjà pour les Grecs. Leurs cultures n’étaient pas niées, etmême parfois considérées avec un certain respect, ce qui n’empêchait pas d’en faire des esclaves. Pour les Romains, c’était plus clair : étaient barbares tous ceux qui n’étaient pas eux ; il cessaient de l’être dès qu’ils étaient conquis. Plus tard, il y eut les invasions des Barbares, lesquels devinrent civilisés et même garants de la civilisation après avoir adopté la religion chrétienne. Plus tard, sous la monarchie française, par exemple, ses conquêtes sanglantes et la misère des barbares qu’étaient en son sein les paysans, puis après les Révolutions anglaise et française qui virent accéder à la civilisation de nouvelles classes sociales, on inventa de nouveaux barbares : les classes dangereuses, alcooliques, débauchées et, bien sûr, révolutionnaires, pour arriver aujourd’hui aux « banlieues difficiles » où sont regroupés les « exclus » que certains considèrent assez justement comme des inclus1. Rappelons-nous : « barbaresque », qui vient de « barbare », désignait les musulmans du pourtour méditerranéen. Et on s’étonne… Les rebeus des banlieues ont de qui tenir !

Bref, barbares ou civilisés, ça dépend du point de vue, et, culture ou individu, on peut sans problème passer de l’un à l’autre. Quoi qu’il en soit, tous ces barbares, même si on a parfois imaginé qu’ils étaient fondamentalement différents de nous, on les a toujours considérés comme appartenant à l’espèce humaine ; un peu inférieurs, pourtant, afin de pouvoir justifier qu’on les massacre, qu’on les mette en esclavage, afin de les amener aux bienfaits de la civilisation. Les sauvages, c’est pas pareil. On les voyait d’abord de loin, à travers l’obscurité de forêts inconnues. C’était quoi, ça ? Des bêtes, des fantômes, des humains ?

De plus, ils ne cherchaient pas vraiment le contact et fuyaient plutôt. Pas moyen de faire une bonne guerre qui aurait prouvé notre commune appartenance à l’humaine condition.Au fond des profondes forêts d’Indonésie, les premiers explorateurs se sont longtemps demandé s’il fallait classer les orangs-outans parmi les sauvages humains.

On les trouvait aussi au fond des forêts africaines, tout noirs et tout nus. Musulmans et Chrétiens, constatant qu’ils n’étaient pas dangereux, s’empressèrent d’aller les convertir et d’en faire des esclaves, afin de les faire utilement entrer en civilisation. Ailleurs,