« C’est l’État, c’est l’autel de la religion politique
sur lequel la société naturelle est toujours immolée :
une universalité dévorante, vivant de sacrifices humains, comme l’Église.
L’État, je le répète encore, est le frère cadet de l’Église. »
Bakounine
Les anarchistes sont les ennemis de l’État, c’est bien connu. Pierre-Joseph Proudhon pensait que l’idée de gouvernement politique plongeait ses racines très loin dans l’histoire, tirant ses forces de l’organisation domestique ; ainsi « le préjugé gouvernemental, pénétrant au plus profond des consciences, frappant la raison de son moule, toute conception autre a été pendant longtemps rendue impossible, et les plus hardis parmi les penseurs en sont venus à dire que le Gouvernement était un fléau sans doute, un châtiment pour l’humanité, mais que c’était un mal nécessaire !
Voilà pourquoi, jusqu’à nos jours, les révolutions les plus émancipatrices, et toutes les effervescences de la liberté, ont abouti constamment à un acte de foi et de soumission au pouvoir. »
Proudhon jette un regard oblique sur la nature de l’État, il faudrait examiner d’abord la réalité sociale et montrer ce qui rend possible l’émergence d’un pouvoir politique. Dans les Confessions d’un révolutionnaire il pose la question : Quelle est la légitimité de cette idée ? « Pourquoi croyons-nous au Gouvernement ? D’où vient, dans la société humaine, cette idée d’Autorité, de Pouvoir ; cette fiction d’une Personne supérieure, appelée l’État ? N’en serait-il point du Gouvernement comme de Dieu et de l’Absolu ? » Ne serait-ce pas encore une de ces conceptions « qui, sans réalité, sans réalisation possible, n’expriment qu’un indéfini, n’ont d’essence que l’arbitraire ? »
Parce que le pouvoir politique n’a pas une réalité en soi. Qu’il s’agisse de monarchie, de patriarcat, de république, il n’est que la réalisation d’une « aliénation de la force collective ». Le pouvoir est immanent à la société, il émane de la pluralité des pratiques et des groupes, il est la force qui résulte de l’activité collective. Mais, en se différenciant du social, la représentation du politique a inversé le rapport. « Dans l’ordre naturel – nous dit De la Justice – le pouvoir naît de la société, il est la résultante de toutes les forces particulières groupées pour le travail, la défense et la Justice. D’après la conception empirique suggérée par l’aliénation du pouvoir, c’est la société au contraire qui naît de lui. » C‘est, alors, en termes d’appropriation de la puissance collective qu’il faut comprendre la genèse du pouvoir politique. L’État, tant qu’il existera, sera toujours la représentation d’une aliénation et d’une appropriation.
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