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Actions contre les transports de déchets nucléaires
Chloé Di Cintio
Article mis en ligne le 26 avril 2011
dernière modification le 26 avril 2013

La
lutte contre l’enfouissement des déchets r
adioactifs
s’est présentée à moi en 1996. Ce ne fut pas un choix militant,
mais une évidence que de m’y engager
,
car j’habitais alors à
quelques dizaines de kilomètres du futur centre d’enfouissement de
Bure, dans la Meuse.

Silence, opacité et corruption

Nous vîmes subitement se construire
des routes en pleine forêt
 :
des
camions allaient et venaient pour un mystérieux projet commandité
par l’Andra, l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs.
Nous découvrîmes que cette agence a
v
ait une autorisation
d’implantation et d’exploitation de trois « laboratoires » souterrains afin
de déterminer un lieu sûr pour y stocker des déchets nucléair
es en
sous-sol.
Bure fut retenu comme seul lieu de stockage sans que les
études comparatives prévues aient eu lieu. Des manifestations furent
or
ganisées, des militants scandèrent : « Population molle, roche dure »,
tandis que le président du conseil général affirmait que les études
étaient « solides et porteuses d’espoir pour le département ».

Des sources souterr
aines passent sous la commune de Bure,
s’écoulant jusqu’à Paris. Une eau que l’on voulait mettre en bouteilles...
Les déchets destinés à être enfouis étaient des « déchets C », d’une
durée de vie de plusieurs milliers d’années. L’enfouissement irréversible
nous semblait inapproprié
 :
comment assurer la mémoire de cet
enfouissement pour les générations futures ; quel avenir leur préparer ?
Des questions éthiques se posèrent avant les questions politiques.
Des collectifs militants,
défendant un stockage en surface,
organisèrent des campagnes d’information, des pétitions, des marches
de protestation, puis des campements devant le « laboratoire ».

Été 2001

De Lascaux, à pied, de Bretagne, à vélo, et aussi de Gènes, les
militants arrivèrent à Bure. C’est là que je découvris des méthodes
d’autogestion pendant l’action : cuisine collective, toilettes sèches,
douches, etc. Les décisions étaient prises en assemblée plénière :
chacun pouvait proposer ses idées d’action. Une belle diversité :
peintures symboliques sur la route, tour des villages pour y faire signer
des pétitions, rencontres avec des élus, rondes nocturnes autour du
« labo », tentatives d’éblouir les personnes travaillant dans les bureaux,
etc. Le choix de la non-violence fut d’abord intuitif : refus des insultes
envers les forces de l’ordre et envers les personnes travaillant sur le
chantier. Nous refusions de les désigner comme adversaires et désirions
les sensibiliser à nos revendications

Relayant ces choix, des militants allemands organisèrent un stage de
prise de décision au consensus et en grand groupe : 200 à 300
personnes organisèrent un sit-in pour ralentir le chantier. Regroupés
par affinités,
nous discutions les questions posées a
v
ant le r
etour au
gr
and groupe, allant jusqu’à choisir la place de chacun dans le sit-in.
Sur le côté, ceux qui voulaient pouvoir en sortir à tout moment ; au
centr
e,
ceux qui r
efusaient d’a
voir affaire aux matraques mais ne
craignaient pas les lacrymogènes ; devant, ceux qui envisageaient sans
crainte une éventuelle conduite au poste de police. Deux porte-parole
r
eprésentaient nos choix
 :
l’un auprès du chef de la police et l’autr
e
auprès des journalistes. Les questions inattendues étaient rediscutées
dans les groupes affinitaires reformés au sein du sit-in. Ce fut pour moi
une expérience forte
 :
une action en gr
and gr
oupe et tenant compte
des limites de chacun. J’étais loin d’être une militante aguerrie, et j’ai le
sentiment que, sans cette possibilité d’être d’abord en retrait, je n’aurais
pas eu l’élan de m’engager dans des actions plus r
adicales.

Un jeu de rôle nous initia au blocage de convois nucléaires sur les
r
ails.
T
antôt « 
militant
s » et tantôt « policiers », nous portâmes un regard
neuf sur la violence policièr
e. Nous travaillâmes nos attitudes, notre
discours, notre organisation pour faire baisser la violence policière...
a
vant de tenter un réel blocage. L’action directe – avec les questions de
confiance dans le groupe qu’elle posait, la gestion de sa propre peur et
l’assurance viscérale de défendre une cause juste – avait un sens fort,
une intensité qui résonnait en moi.

En 2004,
la mort de Sébastien Briat freina nos ardeurs à bloquer des trains.

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