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Le mythe de la finitude terrestre
Philippe Pelletier
Article mis en ligne le 26 avril 2011
dernière modification le 6 juillet 2018

Quand le pilote de Magellan, le navigateur basque Elkano (en castillan : El Cano), revient en Europe avec quelques compagnons en 1522, il confirme que la Terre est bel et bien ronde.Certes l’humanité, ne serait-ce que savante, le savait déjà, depuis Ératosthène au moins (IIIE siècle av. l’ère chrétienne). Mais c’était de façon virtuelle et mathématique.

Désormais, la preuve en est empiriquement faite. Un Nouveau Monde (Mundus novus) vient en outre d’être découvert, trente ans auparavant, non pas par Christophe Colomb qui jusqu’à sa mort s’est refusé à une telle hypothèse pour inconcevabilité intellectuelle, mais par l’habile Amerigo Vespucci, cet autre navigateur qui sut tirer la bonne interprétation des explorations colombiennes (1503). Les élites de l’Europe,puis celles du monde sinisé grâce au planisphère de Matteo Ricci (1602), prennent alors conscience du bouclage terrestre,de sa finitude. « Le monde est petit » déclare déjà Colomb (Lettre rarissime, 7 juillet 1503).

Le constat de cette finitude terrestre, véritable « révolution cosmographique » selon l’heureuse expression de Frank Lestringant, engendre une angoisse psychologique, quasi métaphysique, qui ira en s’amplifiant. Une brusque rupture d’échelle change non seulement le regard sur le monde, mais le monde lui-même. L’humanité se découvre connue — nonobstant les derniers espaces à explorer (Australie, Antarctique…) — et finie.

Deux grands choix s’offrent à elle. Soit elle refuse cette réalité, en s’enfonçant plus encore dans la jungle ou la steppe, en spéculant sur des utopies plus ou moins autoritaires et imaginaires, ou bien en repoussant le plus possible les conséquences de cette finitude : ce qu’ont par exemple fait les élites sinisées, ainsi persuadées de se mettre à l’abri de l’impérialisme occidental, en vain cependant. Soit l’humanité cherche à l’assumer, de différentes façons, par la conquête qui intègre les limites ou les repousse — l’impérialisme occidental — ou par l’émancipation, prônée par l’internationalisme socialiste, ou bien par le cosmopolitisme anarchiste (qui n’est pas identique au précédent).

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