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Eduardo Colombo
Une action illégale parmi d’autres : La Révolution
Article mis en ligne le 2 novembre 2010
dernière modification le 2 décembre 2010

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De l’illégalisme et de la révolution

« … la clandestinité a été féconde à un moment donné,
mais elle reste elle-même déterminée
par ce contre quoi elle veut lutter. »

Pierre Klossowki, Sade et Fourier1

Le 12 juillet Camille Desmoulins saute sur une table le pistolet
à la main et crie : « Aux armes ! » La Révolution n’était pas faite,
elle était encore illégale.

Trois boulangeries sont pillées pendant une manifestation de sanstravail
le 9 mars 1883 à Paris. Louise Michel, brandissant – ou pas – un
drapeau noir, marche à côté de Pouget. Ils sont condamnés à de lourdes
peines, six ans de réclusion pour Louise Michel, huit pour Émile Pouget.

Au mois de mai 1899, Jacob rafle le Mont-de-piété de Marseille. Le
17 novembre 1925, une gare du métro de Buenos Aires est cambriolée
par plusieurs individus, parmi eux la police désigne Durruti, Ascaso et
Jover
Un avocat révolutionnaire, une femme combattante, un théoricien
du sabotage, un honnête cambrioleur, trois militants ouvriers. Des
hommes ou des femmes dévoués à la cause de la liberté et de l’égalité,
qui agissent illégalement à différents moments de l’histoire et sous des
régimes différents, conduits par une même volonté : bouleverser,
transformer, une société inique.

Ce sont des actes illégaux devant la loi en vigueur, certes, mais que
vaut la loi quand la légitimité du régime est contestée ?

Le régime est l’ordre, la forme, qui
donne à la société son caractère. C’est le
régime qui fait la loi. Et comme l’avait
compris Winstanley : « La Loi… n’est que
la volonté déclarée des conquérants sur
la manière dont ils veulent que leurs
sujets soient gouvernés2. »
Dans les oligarchies représentatives3
sous lesquelles nous vivons, l’ordre régi
par la loi est la hiérarchie économicopolitique,
la domination de classe, la
pauvreté, l’exclusion, la déportation, la
répression à la première révolte.
Les dominants organisent et
contrôlent le régime établi, ils font et la
loi et l’ordre.

Les constitutions qui encadrent les
États ne reconnaissent pas le droit à
l’insurrection. La Révolution est mise
hors la loi.

L’anarchisme fait une critique radicale
de tout système d’exploitation et de
domination, il nie la légitimité du droit
de contrainte que s’octroie l’État, et
conteste le droit de propriété, aussi bien
individuelle qu’étatique, des moyens de
production, il veut abolir le salariat. Alors,
pour l’anarchiste, l’utilisation des moyens
que la loi réprime est une possibilité, en
temps d’apathie, qui découle logiquement
de sa position révolutionnaire, en
attendant l’arrivée du temps des
insurrections.

La reprise individuelle et la grève
révolutionnaire sont aussi illégales l’une
que l’autre, mais leur signification sociale
n’est pas la même. Dans l’action
individuelle – ou du petit groupe clandestin
– ce qui importe est la finalité du
geste et la rectitude de l’homme.

Comme
écrivait Elisée Reclus à l’occasion de
l’expropriation effectuée par Vittorio Pini :
« Tant vaut le caractère, tant vaut l’acte4. »
On peut avoir le même jugement sur des
actions plutôt tranquilles comme la
fabrication de la fausse monnaie, ou
violentes comme l’attentat ou l’exécution
d’un despote.
L’acte individuel, parfois hautement
moral comme peut l’être le tyrannicide, a
rarement la potentialité révolutionnaire
qui porte l’action collective.
C’est pour cette raison que, conjointement
avec l’action directe – la grève
sans intermédiaires ni arbitrage – et avec
la grève solidaire, le prolétariat révolutionnaire
adopta l’arme du sabotage
« comme l’insurgé s’approprie son fusil ».
Ainsi, le sabotage fut publiquement
promu et voté par des congrès ouvriers
en différentes régions du globe.
Aujourd’hui, aux premiers pas de ce
XXIe siècle, nous sommes confrontés à un
régime social et politique qui devient de
plus en plus contraignant et limitatif de
toutes les possibilités de changement réel
dans le sens de l’émancipation ou de
l’autonomie humaine.
Nous voyons proliférer les moyens de
fichage des personnes, les lois d’exception,
les obligations légales de délation,
le chantage dans les usines qui font voter
aux ouvriers la réduction de leur propre
salaire, le travailleur attelé à la rentabilité
de l’entreprise, un syndicalisme réformiste
ancré dans la collaboration de
classes.
Des politiciens étiquetés à gauche
constatent que le « capitalisme a vaincu »,
et les partis, qui ont accepté les bornes de
la démocratie représentative, empêtrés
dans le légalisme, ne peuvent proposer
aucune alternative qui débouche sur le
chemin de la libération.

La désobéissance civile devient alors
une exigence éthique et des pratiques illégalistes tendent à se répandre et à
s’affirmer dans les luttes sociales.

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