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Paul Boino
Plaidoyer pour une géographie reclusienne
Article mis en ligne le 3 mars 1999
dernière modification le 3 mars 2010

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Occulté près d’un siècle durant, Élisée Reclus a bénéficié ces dernières années d’un regain d’intérêt dans la communauté scientifique, voire au-delà. Depuis la fin des années 1970, des articles lui ont été à nouveau consacrés 1, des ouvrages également et même une thèse 2. De colloques 3 en rééditions de textes originaux 4, son œuvre a progressivement été sortie de l’ombre, et les hommages élogieux se sont peu à peu multipliés 5. Hier encore relégué au rang de géographe pré-scientifique, essentiellement descriptif et même, selon Engels, de compilateur ordinaire, politiquement cafouilleux et rien d’autre, Reclus ne tend-il pas à être célébré aujourd’hui comme un des principaux fondateurs, si ce n’est le fondateur de la géographie scientifique, analytique et démonstrative ?

Ce concert de louanges ne doit pas, cependant, nous induire en erreur. S’il marque une redécouverte au moins partielle de Reclus, ainsi qu’une réhabilitation certaine, il n’indique pas pour autant une résurgence d’une géographie telle que pouvait l’entendre ce géographe libertaire. La plupart de ceux et de celles qui lui rendent hommage ne s’inscrivent ni dans le cadre de ses idées scientifiques, ni à fortiori de ses conceptions politiques. Cela n’implique même pas qu’ils reprennent, en la réactualisant ou non, sa simple démarche de recherche.

Car les morts appartiennent aux vivants, les héritages ne sont pas seulement revendiqués pour perpétuer le passé, mais essentiellement pour construire le présent et se projeter dans l’avenir. Et le retour en grâce de Reclus nous renvoie, pour l’heure, ce qui ne veut pas dire uniquement, à la quête d’un père fondateur plus présentable que d’autres. Cela rend compte, au moins partiellement, de la recherche d’un ancêtre quasi totémique plus à même de légitimer les recherches que ces nouveaux zélateurs entendent entreprendre. Somme toute, les lauriers que d’aucuns tressent aujourd’hui à Reclus peuvent, effectivement, être lus comme autant d’arguments incantatoires dans un discours pro domo tenu afin de légitimer son propre paradigme, sa propre démarche de recherche, ses propres problématiques et ses propres analyses ; ce constat d’évidence pouvant nous être adressé.

C’est bien toute l’ambivalence de la redécouverte de Reclus qui est posée ici. Nombreux sont ceux et celles qui s’accordent à reconnaître l’intérêt de son œuvre et, pourtant, combien tentent d’en reprendre le fil, d’en prolonger la démarche ou d’en réactualiser l’esprit, sinon la lettre ? Cette distorsion, si ce n’est cette contradiction entre une référence toute théorique et une praxis qui lui reste étrangère, distille inévitablement le sentiment ou, plus précisément, naturalise l’idée (sans jamais la démontrer) que les analyses et que les méthodes de Reclus, vieilles d’un siècle, sont désormais dépassées et que si elles peuvent fort bien servir d’acte fondateur à la géographie actuelle, elles ne peuvent prétendre en être ni la lettre, ni l’esprit.

Ces hommages élogieux peuvent, de fait, être lus comme un nouvel enterrement de Reclus. S’il est célébré aujourd’hui en grandes pompes, il ressemble malgré tout sous bien des égards à celui que lui avait réservé naguère la corporation des géographes. Certes, un Jean Brunhes n’est plus là pour balayer son œuvre d’un revers de main sous le prétexte péremptoire que ce n’est pas de la géographie, mais le peu d’empressement à traiter du caractère ou non heuristique de la pensée de Reclus non pas il y a un siècle, mais aujourd’hui ne revient-il pas au même ? Cela n’aboutit-il pas à l’exclure du champ de la géographie ou du moins de la géographie actuelle et de nouveau sans même prendre le temps d’en débattre ?

Si nous nous sommes déjà attardés dans un article précédent 6 sur les motifs profonds de l’occultation de Reclus à l’orée de ce siècle, si nous avons pu également esquisser quelques-unes des raisons qui, à notre sens du moins, ont pu conduire à sa redécouverte à la fin des années 1970, si nous avons pu, enfin, présenter succinctement les principaux traits de son œuvre, de ses concepts et de sa démarche de recherche, nous voudrions maintenant discuter de sa pertinence actuelle. Tout l’intérêt de débattre d’un géographe anarchiste mort il y a près d’un siècle ne se situe-t-il pas d’ailleurs ici ? Toute la question n’est-elle pas au fond de savoir si sa pensée n’est plus apte qu’à joliment décorer les limbes épistémologiques de la géographie ou bien si elle peut encore nous aider à comprendre le monde qui nous entoure ?

Notre propos n’est pas de condamner les analyses strictement épistémologiques et les débats contradictoires qui peuvent se nouer autour de tel ou tel point d’interprétation. Souligner les hiatus, les différences, voire les divergences entre Reclus et ceux qui lui font parfois référence contribuera, peut-être, à passer d’une simple réhabilitation posthume à une véritable redécouverte de sa pensée. Mais si cela est nécessaire, est-ce pour autant suffisant ? Se limiter à défendre sa pensée contre les interprétations abusives, les outrages de sens et les filiations douteuses ne pourrait-il pas laisser entendre, plus ou moins insidieusement, que nous dénions le droit à quiconque de s’en nourrir librement, si d’aventure il ne l’ânonne pas bêtement ? À l’instar de ceux qui le couvrent de fleurs, pour peut-être (et seulement peut-être) mieux l’enterrer, protéger son œuvre de la sorte ne revient-il pas à l’étouffer ? Cela ne contribue-t-il pas, avec une égale efficacité, à stériliser toute possibilité de résurgence d’une géographie d’inspiration reclusienne, c’est-à-dire d’une géographie qui tout en se fondant sur la démarche et l’esprit initiés par Reclus tiendrait compte des avancées scientifiques et des évolutions sociales enregistrées depuis sa mort ? À l’instar des pires universités de marxologie, dont le défunt bloc de l’Est avait le secret, cela ne participe-t-il pas, en dernière analyse, à une démarche de sacralisation d’un illustre défunt et, corollaire obligé, à une tentative d’ossification de la pensée des vivants, alors même que Reclus déclarait, comble d’ironie, que " le savant du jour n’est que l’ignorant du lendemain " ?

S’il ne s’agit pas de se satisfaire des quelques références actuelles à Reclus et, encore moins, d’en déduire naïvement que cela correspond à une résurgence d’une géographie reclusienne, il ne s’agit pas non plus, à notre sens du moins, de se complaire à en dresser le constat. Ce qui nous intéresse fondamentalement est davantage de pointer en quoi et jusqu’où la pensée de Reclus peut nous aider à lire le monde actuel, le monde tel qu’il est aujourd’hui.

La question urbaine nous offre un exemple de choix, car Reclus a produit sur ce sujet un grand nombre d’analyses. Ceci est d’autant plus notable qu’il

vivait à une époque où la géographie était encore largement centrée sur la " découverte " des terrae incognitae ; le couple ethnologue-géographe étant trop souvent le pendant du duo missionnaire-militaire dans le processus de
colonisation. Ceci est également remarquable dans le sens où, dès l’orée du xxe siècle, la géographie humaine française se spécialisera, à l’exception notable de l’école de Grenoble, dans l’étude du milieu rural et dans l’analyse régionale. Il faudra attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour que la géographie urbaine ne prenne véritablement son essor dans ce pays, ce qui fait de Reclus un véritable précurseur en la matière.

Son analyse de la ville a évolué au cours de sa vie, ce qui est bien normal et des contradictions peuvent être relevées selon les textes et les époques. En fonction de la période choisie, nous pourrions présenter une image de la pensée de Reclus non pas substantiellement, mais sensiblement différente. Car il
faut bien choisir, à moins de ne présenter qu’une juxtaposition de points de vue plus ou moins désarticulés, nous avons décidé de reprendre les analyses qu’il a développées à la fin de sa vie, globalement entre 1895 et 1905, en postulant qu’il s’agit là de sa pensée la plus aboutie.

Ces ultimes analyses ont porté à l’échelle interurbaine et intra-urbaine. Au niveau le plus large, son article " L’évolution des villes ", publié en 1895 7 (qu’il reprendra quasiment in extenso dans son ultime ouvrage l’Homme et la Terre), nous semble particulièrement intéressant 8. Il aborda ici avec beaucoup d’acuité la question des interrelations entre agglomérations et posa les fondements des concepts actuels de semis urbain (disposition des villes sur un territoire), d’armature urbaine (structuration d’un territoire par un semis urbain) et de système urbain (système relationnel unissant une armature donnée), concepts centraux s’il en est de la géographie urbaine contemporaine. Reclus développa également dans ce même texte un premier modèle d’organisation interurbaine et de polarisation de l’espace, qui, les statistiques et l’organicisme en moins, a bien peu de chose à envier à celui proposé par W. C. Christaller plus de trente ans plus tard : le modèle des places centrales.

" Étant donnée une région plane, sans obstacles naturels, sans fleuve, sans port [...] et non divisée en États politiques distincts, la plus grande cité se fût élevée directement au centre du pays ; les villes secondaires se seraient réparties à des intervalles égaux sur le pourtour, espacées rythmiquement, et chacune d’elles aurait eu son système planétaire de villes inférieures, ayant [à leur tour] leur cortège de villages... " 9

Ce type de modèle constitue une des trois théories fondamentales de la géographie actuelle (avec celle de la rente foncière et de la diffusion), ce qui nous conduit à considérer Reclus non seulement comme un précurseur en matière d’analyse urbaine, mais également et clairement comme un des fondateurs de la géographie contemporaine. Ceci ne signifie pas qu’il ait tout inventé et que les géographes ultérieurs n’ont fait que redécouvrir, voire plagier son œuvre. Les idées qu’il a développées en matière de semis, d’armature et de système urbain ou encore de polarisation de l’espace sont généralement restées au stade de notion ou, au mieux, de pré-concept, ce qui n’oblitère ni leur valeur scientifique, ni l’important travail de conceptualisation qui fut réalisé, par d’autres, bien après sa mort.

Reclus a enfin développé, dans ce même article, mais aussi dans d’autres écrits, une analyse sur le développement et l’organisation interne des villes. À travers le traitement d’une ample et large documentation, par de multiples investigations de terrain menées soit directement, soit indirectement, par l’entremise de quelques collègues scientifiques ou de quelques camarades d’anarchie, par l’usage méthodique de plans et de cartes 10, mais aussi de statistiques 11, ce qui à l’époque (voire aujourd’hui ?) et dans cette discipline était pour le moins novateur, à travers enfin quelques approches comparatives 12 entre agglomérations (notamment celles entre Paris et Londres), il chercha à montrer la manière dont les villes naissent et se développent, s’organisent et se structurent. Sur ce sujet, comme sur d’autres, il ne se borna pas à multiplier les monographies et à juxtaposer les constats idiographiques. Il essaya d’expliquer les facteurs influant sur le développement et sur la structuration des villes. Ce faisant, il quitta la simple description de l’évolution urbaine et du fait urbain pour aborder le mode même de fabrication des villes. On ne saurait suffisamment souligner le caractère fondamentalement novateur et moderne de cette approche.

Rejetant l’environnementalisme de K. Ritter, dont il n’a suivi les cours que deux mois 13, Reclus montrera que les facteurs naturels peuvent avoir une influence déterminante sur l’humaine société, mais d’un point de vue relatif seulement et ce d’autant plus que l’organisation sociale est moins avancée. Il écrira, par exemple, qu’" à l’origine, le grand fleuve séparait les hommes [...]. Et pourtant cet obstacle infranchissable aux riverains primitifs est devenu le grand véhicule des civilisés " 14. Loin d’être soumis en tous lieux et en tous temps à son environnement physique et écologique, Reclus souligna, ainsi, que les progrès sociaux permettent à l’Homme de s’émanciper des contraintes naturelles ou, en d’autres termes, que l’Homme étant la nature prenant conscience d’elle-même, il devient progressivement source de sa propre destinée 15.

La ville, la métropole actuelle plus encore que la cité antique, ne peut, selon Reclus, être conçue comme étant déterminée au premier chef par la nature, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas d’interactions entre ces deux termes. Il s’agit cependant, selon ses dires, du milieu humain le plus artificiel qui soit (comparativement au milieu rural). Il se propose et nous propose, en conséquence, de chercher du côté des facteurs sociaux pour comprendre les causes de son évolution et pour cerner la nature profonde de son organisation et de sa structuration.

Contrairement aux géographes de l’école de Grenoble qui, tout au long de la première moitié du xxe siècle, s’évertueront à montrer l’incidence première du site (substrat physique et écologique sur lequel est fondée une cité) et de la situation (position relative d’une agglomération urbaine par rapport aux grands ensembles géomorphologiques) sur la fondation et l’essor des villes, contrairement aussi aux géographes vidaliens qui, à travers le possibilisme, tenteront d’expliquer le développement humain 16 comme relevant d’un effort de soumission du milieu naturel à l’Homme, Reclus s’essaiera à démontrer que la création et l’évolution des villes dépend essentiellement de l’activité humaine et non de ses rapports avec la nature.

Par-delà les métaphores naturalistes et les allégories organicistes 17, visant à illustrer tel ou tel trait du développement ou du fonctionnement urbain, Reclus essaiera, du moins à notre avis, de montrer combien la ville prend sa source et son sens dans l’humaine société. Lorsqu’il souligne, par exemple, toute l’importance des vallées et des plaines sur la fondation et la destinée des cités, ce n’est pas en tant que simples éléments physiques, mais bien parce qu’elles servent de support naturel aux grandes voies de communication. Il notera à ce propos, sur la Belgique, que " la géographie [physique] explique la destinée naturelle de ce pays, comme grand chemin des peuples ; c’est là qu’avant l’ouverture des routes artificielles s’étendaient les premières campagnes d’accès faciles... "18. À travers cette référence au relief, loin de nouer un rapport de détermination entre Homme et nature, Reclus souligne toute l’importance des échanges entre groupes humains dans le développement de l’humanité. Cela lui permet, plus précisément encore, de montrer combien l’apparition du fait urbain dans l’histoire est étroitement associée à l’essor des échanges commerciaux, ce que les historiens actuels seraient bien en peine de démentir.

Reclus souligna également le poids des facteurs politiques, voire religieux. Il expliqua, notamment, combien la structuration des ensembles géopolitiques (États, empires, royaumes, colonies, etc.) s’appuie sur les villes et combien cela influe en retour sur leur développement. L’essor, par exemple, d’une ville comme Lugdunum ne répondait-elle pas essentiellement à un effort de structuration de l’Empire romain et, en l’occurrence, des nouvelles provinces celtes, qui venaient d’y être intégrées ? Ce simple camp de réfugiés fondé en 44 avant notre ère n’a-t-il pas été promu caput gallarium (capitale des Gaules) dès l’an 12 par la seule volonté impériale ? Aujourd’hui toujours, la présence d’une préfecture ou de quelques garnisons n’influe-t-elle pas sur la stature de nombre de centres urbains ? Rome, encore, ne garde-t-elle pas, grâce à l’église, une aura et un poids bien particulier malgré la chute de l’Empire ? Ces différents exemples n’accréditent-ils pas la thèse de Reclus quant à l’importance des facteurs politiques et religieux, sur la fondation et la prospérité des agglomérations ?

Le commerce et la politique sont, en somme, les deux grands facteurs historiques qui, selon Reclus, expliquent la naissance et l’évolution des villes. Mais dans le fil des siècles, il discerna également l’émergence d’un troisième : l’industrie. Quoique très récent à l’échelle de l’histoire humaine, ce nouveau moteur du développement urbain a cependant généré l’émergence d’un grand nombre de nouvelles cités et profondément bouleversé les villes préexistantes.

Si Reclus ne renvoie pas, pour l’essentiel, la destinée des villes à des facteurs naturels, il ne croit pas non plus que leur structuration interne réponde à de quelconques lois naturelles. Son appréhension de la répartition des groupes sociaux à l’intérieur des centres urbains est particulièrement éclairante en la matière. Il se situe, de fait, à l’opposé des analyses développées quelques années plus tard par les sociologues de Chicago. Ces derniers transféreront des concepts de l’écologie végétale et animale pour analyser l’organisation interne des villes. Pour eux, la structuration intra-urbaine résulterait d’une compétition naturelle ou écologique entre groupes sociaux, en l’occurrence ethniques, pour l’appropriation de l’espace urbain.

Or, pour notre géographe libertaire, cette structuration intra-urbaine ne découlerait aucunement de lois naturelles immanentes, c’est-à-dire de lois qui s’imposeraient aussi bien au règne végétal et animal, qu’au monde des humains. Elle résulterait de la structuration et du fonctionnement même d’une société historiquement datée et géographiquement localisée. Pour lui, ce qu’inscrit dans l’espace la répartition des groupes sociaux et, en l’occurrence, la ségrégation socio-spatiale, ce n’est pas une partition de la société en différents groupes ethniques, dotés de niches écologiques plus ou moins exclusives, mais sa " division en classes sociales, [qui] se marque ainsi entre les ruelles sordides et les avenues somptueuses ".

Ce que révèle cette ségrégation socio-spatiale ce n’est pas une compétition entre groupes sociaux, ou alors une compétition pour le moins faussée, mais une exploitation économique des locataires par les propriétaires, exploitation consubstantielle à un système capitaliste, fondé au niveau foncier sur la propriété privé du sol et du bâti, garanti et protégé par l’État. Loin d’être un trait a-historique et a-spatial, inhérent à la nature humaine, comme à l’ensemble de la vie, cette structuration intra-urbaine est en somme, pour Reclus, un produit et un reflet du système social.

C’est, donc, en terme de milieu essentiellement humain, que Reclus analyse la ville. Et dans son acception des termes, c’est-à-dire dans le contenu qu’il donne à son concept de milieu, cela signifie qu’il l’appréhende comme un ensemble éminemment social, complexe et dynamique, composé d’éléments différents, parfois antagonistes, comme un ensemble essentiellement défini par la nature des interactions qu’entretiennent ses différentes composantes, comme un ensemble, enfin, qui fonctionne non seulement sur lui-même, mais aussi en fonction de ses relations avec les autres villes et avec les campagnes. En termes plus actuels, Reclus nous propose d’analyser la ville comme un système social ouvert, produit et reproduit par les rapports sociaux.

C’est donc ainsi, du moins à notre sens, que Reclus analyse la ville et qu’il nous convie à l’appréhender. C’est au travers d’une démarche hypothético-déductive 19 rigoureuse et dans une perspective, non pas uniquement mais essentiellement, nomothétique 20, qu’il nous invite aussi à l’étudier. Loin d’être surannées ou éventées, cette acception du fait urbain et de l’évolution urbaine, cette démarche et cette grille d’analyse peuvent encore nous être précieuses aujourd’hui, du moins est-ce notre sentiment. Cela ne veut pas dire, qu’il faille simplement et sottement plaquer des analyses et une approche vieilles d’un siècle sur la situation présente. Nous ne souhaitons en aucun cas faire l’impasse sur les acquis scientifiques réalisés depuis sa mort, ni oblitérer notre liberté quant à choisir ce qui nous intéresse chez Reclus. Il ne s’agit pas de promouvoir une application stricte de sa pensée, ce qui d’ailleurs serait délicat à réaliser, du fait de son évolution au cours de sa vie. Le développement qui suit s’en inspire très librement, ce que d’aucuns, peut-être, nous reprocherons. Nous espérons cependant que le lecteur voudra bien nous accorder le crédit que notre libre interprétation est réalisée explicitement et, en conséquence, que nous ne cherchons pas à faire parler les morts, mais simplement à renouer avec la manière de voir et de procéder de Reclus. Ne pourrait-on pas d’ailleurs nous reprocher l’inverse si d’aventure nous tentions de développer une analyse sans signaler explicitement la paternité de certains concepts ou de certaines démarches ?

La manière de voir le monde et de procéder de Reclus nous semble, en effet, particulièrement heuristique, car elle nous conduit à nous réinterroger sur notre propre posture, sur notre propre acception et sur notre propre interprétation de la ville, non pas celle d’il y a un siècle, mais bien de la ville actuelle. Ce faisant, elle nous amène à modifier en profondeur notre manière de la lire et de la comprendre.

Par sa posture, tout d’abord, Reclus nous invite à prendre garde à ceux et à celles qui voudraient ne voir dans la ville qu’un enfer ou un éden. Même si les villes actuelles ont peu de choses à voir avec les cités du passé, même si les métropoles contemporaines dépassent tout ce qui avait pu être atteint par les Babylone et les Ninive antiques, il nous convie à nous défier des préjugés implicites et autres a priori plus ou moins inconscients qui conduisent, tout aussi radicalement et tout aussi sommairement, à célébrer la ville ou à la maudire 21.

Il ne s’agit pas là d’un appel à la modération plus ou moins hérité d’un protestantisme mal digéré ou d’un appel à la raison cachant mal une foi intangible dans les vertus révolutionnaires de l’industrialisation et de l’urbanisation. En nous incitant à nous méfier de ces postulats plus ou moins instinctifs, Reclus nous exhorte, plutôt, à prendre pleinement la mesure que la ville n’est qu’une production et un reflet de la société. Lorsqu’il rappelle avec insistance que ce n’est pas la ville qui produit, mais les ouvriers, lorsqu’il réitère avec une égale obstination que ce n’est pas la terre qui nourrit, mais les paysans, il souligne que renvoyer à la ville, tant les bienfaits, que les méfaits sociaux ne correspond ni à la réalité ni à une innocente figure de style. Cela contribue à ne jamais poser la seule vraie question qui vaille, la question sociale.

Cette posture, qui cherche à lire les rapports sociaux derrière la ville ne nous invite-t-elle pas, aujourd’hui encore, à réfuter ces problématiques de bon aloi qui entendent traiter de quartiers sensibles et autres zones difficiles, pour mieux occulter la véritable question des inégalités sociales dans la cité ? Ne nous conduit-elle pas également à envisager de façon sensiblement différente les questions environnementales ? Lorsque certains nous déclarent que la ville

pollue, ne pourrions-nous pas nous demander, avant d’émettre un jugement péremptoire, qui pollue et pourquoi ? Sans parler de ces usines qui crachent leurs fumées et dont les patrons, après nous avoir exploités, cherchent manifestement à nous asphyxier, sommes-nous bien sûr que la pollution automobile renvoie seulement ou essentiellement à des citadins incapables de se déplacer autrement qu’en voiture ? La croissance du trafic automobile n’est-elle générée que par une accumulation de comportements individuels ? Cet essor de la mobilité quotidienne ne nous renvoie-t-il pas également, voire davantage à l’éclatement fonctionnel des villes, à cette segmentation qui fait que les différents espaces nécessaires à la vie quotidienne (travail, habitat, consommation, loisir, éducation, etc.) tendent à être de plus en plus éloignés les uns des autres ? Et dans cette balkanisation de l’espace urbain, qui implique, du reste, une balkanisation tout aussi forte de nos vies, qui joue un rôle central ? Est-ce la ville ? Est-ce le citoyen lambda ? Ou

bien sont-ce les politiques publiques et les stratégies des grands groupes commerciaux et industriels, c’est-à-dire le pouvoir politique et les décideurs économiques ? S’il ne s’agit pas ici de répondre à ces questions, pour le moins sujettes à débat, nous pouvons cependant apercevoir que la posture proposée par Reclus, mettre les rapports sociaux au centre de nos analyses, peut nous conduire à aborder bien différemment les problèmes urbains et cela y compris les questions environnementales. À notre époque, cette mise en perspective n’est sans doute pas novatrice, mais est-elle pour autant répandue ? Elle pourrait pourtant nous permettre de pointer avec plus de pertinence et les vrais problèmes, et les véritables sources des problèmes, du moins est-ce notre sentiment.

Cette posture nous amène également à reconsidérer notre manière de définir la ville, ce qui est moins innocent qu’il n’y paraît. En nous invitant à lire la société derrière la ville, Reclus opère, de facto, une distinction entre l’une et l’autre, entre l’espace bâti et le système social sous-jacent 22. Cela pose, en conséquence, la question des spécificités propres à chacun de ces deux termes ainsi que de leurs rapports mutuels ; ces questions étant loin d’être superfétatoires. Reclus nous dit que la ville est produite par la société et, à l’inverse, que la première reflète un système social sous-jacent que nous pouvons désigner plus simplement sous le terme d’" urbain ". Mais nous pouvons nous interroger sur ce qui les caractérisent et les différencient fondamentalement. Nous pouvons nous demander comment et pourquoi l’urbain secrète la ville et jusqu’où et en quoi la seconde reflète le premier. N’y aurait-il là qu’une relation impérative et univoque ou bien la ville est-elle capable de rétro-agir sur la source qui lui donne sens et vie ? Et cette ville d’ailleurs reflète-t-elle tout l’urbain ou bien ne nous en donne-t-elle à voir qu’un aspect seulement et dans ce cas pourquoi ? Reclus ne répond ni explicitement, ni implicitement, à ces questions, du moins dans les textes que nous avons pu lire. Mais il ne nous laisse pas totalement démuni. Sa grille d’analyse et, plus particulièrement encore, son concept de milieu, peuvent nous être d’une aide précieuse.

Si nous prenons un système urbain local quelconque et si nous l’appréhendons en tant que milieu au sens que Reclus donne à ce concept, c’est-à-dire comme un milieu-temps foncièrement dynamique et comme un milieu-espace fondamentalement synchronique 23, nous pouvons dire, en substance, que la société urbaine, l’urbain, évolue et fonctionne en permanence. Il s’agit tout à la fois d’une organisation et d’un phénomène.

Il s’avère cependant, que ces deux dimensions du milieu, le temps et l’espace, la diachronie et la synchronie, ne se renvoient pas totalement l’une à l’autre. Elles ne se développent pas dans les mêmes termes, ne possèdent pas les mêmes contenus et ne répondent pas tout à fait aux même influx. En tant que phénomène, un milieu a tendance à évoluer incessamment au gré des nécessités internes et des stimulations externes. Mais, en tant qu’organisation, il revêt une certaine inertie, propriété indispensable pour maintenir et stabiliser les interactions entre ses différentes composantes ainsi qu’avec l’extérieur. N’est-ce pas d’ailleurs grâce à ces deux propriétés, qu’un milieu ou qu’un système et, en l’espèce, un système urbain est capable d’évoluer tout en se reproduisant ? L’homéostasie des systèmes ne se fonde-t-elle pas sur cette étrange capacité qu’ils ont à marier inertie et dynamique, à permettre l’évolution, d’autant plus lorsqu’elle permet la reproduction ?

Mais les propriétés attachées à ces deux dimensions du milieu sont partiellement contradictoires, et c’est sur cette tension dialectique entre évolution et inertie, entre dynamiques urbaines et organisation urbaine, que la ville se fonde et se spécifie par rapport à l’urbain. Produite par les dynamiques urbaines, les besoins du moment, les décisions contingentes, elle inscrit pourtant dans l’espace la structuration (position relative des fonctions et des groupes sociaux) et l’organisation synchronique de l’urbain (réseaux de communication matérielle et immatérielle). Elle a, en outre, tendance à les rendre difficilement réversibles.

Ainsi, telle croissance de la natalité dans un quartier donné nécessitera la construction d’une école maternelle, puis d’une école primaire et ainsi de suite. Mais que faire de la maternelle, une fois les enfants devenus grands ? La détruire, la déplacer ou laisser les choses en l’état ? Délicate question, qui est le plus souvent résolue par l’absence même de décision. L’accroissement progressif des distances moyennes entre le domicile et l’école conduira mécaniquement au développement des déplacements motorisés (deuxième source de déplacements en voiture particulière en ville), tant pis pour le budget des ménages, tant pis pour la fatigue des enfants, tant pis pour les bronches des passants.

Ainsi, autre exemple, le développement des chemins de fer lors du siècle dernier a donné lieu à la construction de gares et de lignes que l’on plaça, fort sagement, à l’extérieur des villes. Mais que faire lorsque bien des décennies plus tard, la ville a grandi et que cette gare et que cette ligne de chemin de fer coupent en plein le tissu urbain ? Entre les nuisances pour les riverains et le coût que représenterait le déplacement de ces infrastructures, la solution se situe bien souvent dans une augmentation substantielle des ventes de fenêtres à double vitrage.

La ville sédimente, en somme, les décisions prises à un moment donné, en vertu de besoins donnés. Et ce qui est vrai en matière de fonction l’est tout autant en matière sociale. Certes, il n’y a plus ici de décision d’implantation. La ségrégation socio-spatiale est difficilement réductible à la volonté de quelque Big Brother qui assignerait à chacun une place dans la ville en fonction de sa position sociale. Pourtant, les pratiques des groupes sociaux jouent le même rôle et la ville ossifie ces choix collectifs tout aussi fortement que s’ils émanaient de la volonté d’un seul. Telle zone occupée par les classes bourgeoises se produira et se reproduira grâce à un filtrage des nouveaux venus, filtrage économique bien sûr, mais pas seulement 24. Tel autre quartier populaire sera évité par quiconque y est socialement étranger et qui peut, évidemment, y échapper. On a du goût pour ceux qui ont le même goût que soi, dirait P. Bourdieu, et les pratiques sociales agissent en ce sens.

Le concept reclusien de milieu nous amène ainsi à redéfinir fondamentalement notre acception de la ville. Cette dernière nous apparaît toujours comme étant un reflet de la société, mais comme un reflet partiel rendant essentiellement compte de son organisation synchronique. Elle nous apparaît, de plus, comme étant dotée d’une indéniable tendance à ossifier cette organisation et, en cela, comme ayant une formidable capacité à rétro-agir sur sa source et, en l’occurrence, à pérenniser le fonctionnement, la structuration et l’organisation de la société.

En établissant physiquement les localisations des fonctions urbaines et des groupes sociaux, la ville matérialise la répartition des différentes composantes de l’urbain à un moment donné, mais sédimente également et plus fondamentalement encore la segmentation fonctionnelle et la ségrégation sociale de l’urbain, à moins de croire que les usines et les logements, que les taudis et les palais soient instantanément escamotables ou interchangeables.

En construisant matériellement les possibilités de connexion, d’échanges et de communication, la ville inscrit dans l’espace la trame des interactions qui relient entre elles certaines composantes de l’urbain, mais ossifie aussi et plus sûrement encore le sens de ces interactions, à moins de ne pas saisir que le simple tracé d’une route permet tout autant de relier que d’éviter, d’intégrer que de marginaliser.

La posture proposée par Reclus nous a conduit à redéfinir la ville, et cette nouvelle acception nous amène maintenant à nous interroger sur les pratiques qui la produisent concrètement. Loin d’une simple action sur la forme des choses, sur le cadre de vie et autre qualité de la ville, ces multiples interventions sur l’habitat, les paysages, les voies de communication, les espaces verts, etc., l’approche reclusienne nous invite à les appréhender comme autant de vecteurs susceptibles d’influer, en bien ou en mal, consciemment ou non, sur l’organisation sociale.

Chercher à discerner la signification et la portée sociale de l’action publique sur la ville est sans doute ce qu’il y a de plus aisé. Bien des recherches ont déjà souligné combien cette intervention renvoie généralement à de véritables stratégies, pesées et pensées, pour agir sur la société à travers l’espace. Ainsi, par exemple, lorsque les pouvoirs publics entreprennent la requalification de tel quartier central délabré, ils savent que cela va contribuer à rejeter toujours plus loin en périphérie les populations pauvres qui y habitaient auparavant. Cette politique est bien plus qu’une simple action sur la forme de la ville. Elle a une incidence directe sur la répartition territoriale des groupes sociaux. Et elle est, en cela, une régulation politique de la ségrégation socio-spatiale ou un arbitrage politique, jamais neutre évidemment, quant à l’affectation de l’espace urbain aux différentes classes sociales.

D’autres recherches ont mis en lumière le poids des groupes privés dans l’aménagement urbain et souligné, avec une certaine impertinence, leur sens social profond. L’appropriation de pans entiers de la ville par les grands groupes de constructeurs – permise et encouragée par la puissance publique à travers les procédures de ZAC (zones d’aménagement concerté) – concourt à soumettre toujours plus fortement l’aménagement urbain à la loi du marché. Les bureaux font recette, alors qu’on en construise et si possible en plein centre. Ils se vendront plus chers et tant pis si ce centre se vide de toute population, pour se transformer en désert dès la nuit tombée. La délégation au privé des services urbains (eau, transport, etc.) contribue également à mercantiliser le fonctionnement de la ville. L’essor des grands centres commerciaux en plein cœur des villes (Antigone à Montpellier, La Part-Dieu à Lyon, Centre II à Saint-Étienne, etc.) et autres voies piétonnes aux terrasses envahissantes contribue, enfin, à une véritable privatisation des centres urbains, leur faisant perdre de facto leur valeur d’usage, libre et gratuite, pour ne leur octroyer qu’une valeur vénale. L’action privée sur la ville apparaît ainsi comme une formidable tension visant à la transformer toujours davantage en marchandise, ce qui du reste n’a rien d’étonnant en système capitaliste.

Les politiques publiques et l’intervention des groupes privés sur la ville ont une signification et une implication sociales évidentes, mais les tentatives d’intervention des habitants n’en ont-elles pas également ? Il ne s’agit pas de sous-entendre que toutes les associations de quartier ont un programme politique caché, ni qu’elles aient toujours une nette compréhension du sens social et de l’incidence sociale de leur intervention. Mais pour autant, en sont-elles dépourvues ? Lorsqu’une association d’habitants, essentiellement locale en l’état actuel des choses, se mobilise contre tel projet autoroutier n’est-ce pas avant tout contre le passage de cette autoroute sur ou à proximité de leurs plates-bandes ? Ne se dissout-elle pas généralement lorsque le projet est abandonné... ou simplement reporté un peu plus loin ? Compte tenu, enfin, que ces mobilisations environnementales ne sont pas suivies avec un égal bonheur par toutes les classes sociales, que ces dernières ont tendance à être séparées dans la ville et que les manifestations et les pétitions ne suffisent pas bien souvent à faire céder l’administration, ce type de luttes ne favorise-t-il pas systématiquement les beaux quartiers, peuplés de ménages sensibles à ces questions et dotés de " relations " pour pénaliser d’autant les banlieues ouvrières ?

En dernière analyse, cette intervention d’habitants, sans doute justifiée, sans doute sympathique, a un sens social très fort et une implication sociale tout aussi forte, car elle contribue (inconsciemment ou non) à pérenniser et même à renforcer les inégalités sociales et la ségrégation socio-spatiale dans la ville. Il n’y a pour s’en convaincre qu’à observer l’indubitable propension des belles périphéries urbaines à conserver un calme et un agrément quasi campagnard tandis que s’amoncellent, sur les marges populaires, les usines, les ZUP, les autoroutes et autres TGV.

Cette approche d’inspiration reclusienne nous conduit, en somme, à développer ou plus modestement à redévelopper une analyse radicale quant au sens social de l’action des autres, du pouvoir politique (toujours maudit évidemment), des lobbies économiques, toujours en quête d’un sou supplémentaire et des collectifs d’habitants toujours trop localistes ou trop modérés. Mais cela nous amène également à nous interroger sur notre action ou, pour être plus exact, sur nos possibilités d’intervention en la matière. La complexité des choses, la nature foncièrement ambiguë de la ville doit-elle nous inviter à ne rien faire et à déclarer, en substance, qu’il s’agit là sans doute d’un enjeu d’importance, mais d’un enjeu, pour l’heure, trop dangereux, incapables que nous serions de maîtriser les possibles effets pervers, que nos actions pourraient engendrer ? Nous ne le pensons pas.

Ce à quoi nous invite cette démarche, et derrière elle son inspirateur, n’est sûrement pas à l’inaction. Sans avoir la prétention de résoudre tous les problèmes théoriques, stratégiques et tactiques, elle nous invite au contraire à agir mais en plaçant le social avant le spatial, l’urbain avant la ville, afin de pointer les véritables questions de fond souvent masquées derrières des apparences formelles. Elle nous convie aussi à ne pas séparer l’agir local et la pensée globale, mais à promouvoir une pensée et une action cohérente, une pensée sociale et une action sociale. Et à regarder la ville et ses populations, à voir croître les inégalités et se détériorer les conditions de vie, nous avons la faiblesse de croire que cette posture peut, au minimum, nous donner à réfléchir et nous offrir quelques inspirations.

En outre des pratiques actuelles, jamais exemptes de critique évidemment, comme au Brésil, avec les budgets participatifs qui permettent aux populations de se réapproprier une partie du nerf de la guerre, en Italie aussi, avec la fédération municipale de base qui pose une planification urbaine décidée par l’ensemble des habitants, en France encore, comme à Merlieux, où l’action collective permet, bon an, mal an, d’aller vers une gestion plus collective de la commune, ou en Grande-Bretagne, enfin, avec ces comités de quartier qui empêchaient physiquement les basses œuvres des huissiers au moment de la Pol Taxe, tous ces exemples, jamais totalement exemplaires bien sûr, ne sont-ils pas aussi en mesure sinon de répondre à toutes nos questions, du moins à nous aider à élaborer quelques pistes ?

Paul Boino

Notes

1. Notamment dans la revue Hérodote.

2. En l’occurrence, celle de Béatrice Gibblin, actuelle directrice de publication de la revue Hérodote.

3. De celui de Bruxelles en 1986 à celui de Sainte-Foy-la-Grande en 1998.

4. Des extraits de l’Homme et la Terre, mais aussi Histoire d’un ruisseau ou encore " L’évolution des villes ".

5. Pour le géologue américain J. O. Berkland, Reclus est un des tous premiers partisans de la dérive des continents ; pour H. Nicolaï, de l’Université libre de Bruxelles, il aurait souligné, avec beaucoup d’acuité que certaines formes de relief actuelles sont héritées des glaciations passées ; pour le Russe Anuchin, il aurait fondé le concept d’" environnement géographique " ; pour G. Dunbar, ce serait l’inventeur de la géographie sociale ; pour Y. Lacoste, enfin, il s’agirait du premier géopoliticien et même du véritable fondateur de la géographie scientifique.

10. Dans le tome II de sa Géographie universelle, celui consacré à la France, nous trouvons pas moins de 25 gravures et 77 plans de ville.

11. Il utilisa abondamment les densités pour mesurer et comparer l’intensité réelle et non pas fantasmée de la concentration urbaine.

12. Les analyses comparatives étaient peu courantes à l’époque. Elles ne se développeront que bien plus tard.

13. De janvier à février 1851, ce qui relativise l’importance que certains s’évertuent à donner à ces cours dans la formation intellectuelle du jeune Reclus.

14. Page 98, NGU, tome I.

15. Cette idée d’une humanité se soustrayant progressivement aux contraintes naturelles nous renvoie, et pour cause, à celle développée par Bakounine. Sur ce sujet, le lecteur peut se reporter à l’excellent commentaire de Gaston Leval : la Pensée constructive de Bakounine, Paris,1976, Spartacus, 272 p.

19. Recherches de terrain minutieuses, analyse des résultats, formation d’hypothèses, retour au terrain pour confronter ces dernières à la réalité, etc.

20. Recherche des déterminants généraux et non des particularités locales ou des spécifités exceptionnelles.

22. Ce distinguo, plus fondamental qu’il n’y paraît de prime abord, reprend d’ailleurs l’idée émise quelques années plus tôt par Fustel de Coulanges dans son étude du monde gréco-romain lorsqu’il différenciait, lui aussi, polis et civitas, la société urbaine (l’urbain) et son domicile (la ville).

23. Page 112, Reclus é., 1905.

24. Les travaux de Monique Pincon-Charlot sont très éclairants sur la manière dont les classes bourgeoises assurent le reproduction de leur domination sur les beaux quartiers.




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