En quelques jours de ce début de 2010, trois camarades du Nanterre de 1968 viennent de disparaître. Dans l’ordre : Jean-Pierre Montagut, Michel Guillou, Daniel Bensaïd.
La seule tristesse ne m’aurait pas incité à écrire ces lignes si je n’avais pas vu dans ces disparitions (annoncées !) un symbole que la proximité des dates fait apparaître.
Ils étaient tellement représentatif de ce que fut le mouvement du 22 mars dans sa profondeur et sa diversité !
Ils représentent à eux trois ce que peut être la naissance d’un mouvement révolutionnaire alliant diversité, radicalité et non-dogmatisme. Tout cela me paraît terriblement actuel.
Jean-Pierre Montagut, l’anarchiste, un des piliers du groupe de la faculté de Nanterre.
Daniel Bensaïd, le trotskyste, un des piliers de la Jeunesse communiste révolutionnaire (JCR).
L’anarchiste et le trotskyste, symboles du binôme qui constitua le fondement de la naissance du mouvement du 22 mars. Le même accent et la même verve du Sud-Ouest, des provinciaux montés à Paris pour les besoins de la cause et le plaisir de la subversion.
Michel Guillou, le prof radical et libertaire qui, avec quelques autres de ses collègues (très peu !) rejoignirent ce mouvement en lui donnant des allures qui dépassaient très largement le cadre groupusculaire. C’était l’époque où les combats idéologiques n’éradiquaient pas obligatoirement l’affectif… Ce fut sans doute une des clés de la réussite nanterroise.
Ils avaient raison de s’apprécier au-delà de leurs divergences.
Un prof pas entièrement prof, un trotskyste pas entièrement trotskyste, un anarchiste pas entièrement anarchiste, que demander de plus ?
Ce fait de n’être pas « entièrement », d’être des esprits critiques et caustiques, c’est ce qui leur a certainement permis de pas se renier. Aucun des trois ne s’est laissé prendre par les sirènes du pouvoir qui hurlaient si fort après 1968.
Jean-Pierre Duteuil