« À l’origine fut la vitesse, le pur mouvement furtif, le “vent-foudre”. Puis le cosmos décéléra, prit consistance et forme, jusqu’aux lenteurs habitables, jusqu’au vivant, jusqu’à vous. Bienvenue à toi, lent homme lié, poussif tresseur des vitesses ».
Tout, dans l’œuvre du romancier Alain Damasio, dont le magistral roman La Horde du Contrevent (2004) débute par ces mots, est affaire de mouvement, de pulsation créatrice, de déséquilibre stable où la vie trouve à fleurir dans les interstices d’une société de contrôle intégral. L’humain y est appelé à retrouver le goût d’un monde habitable en déjouant les vitesses et les lenteurs imposées par des dispositifs bureaucratiques voués à gérer des flux, à quantifier des données et à classer des citoyens dociles à partir du recoupement d’informations parcellaires. Chez Damasio, auteur discret proche depuis longtemps des libertaires, sollicité par la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, volontiers ouvert aux invitations reçues dans les cercles anarchistes (festival de la CNT, groupes de la FA), la science-fiction ne se cantonne donc plus seulement aux réponses que l’être humain peut apporter aux progrès de la science et de la technologie (selon la définition canonique d’Asimov), elle se révèle une accentuation des tendances à l’œuvre dans le capitalisme technologique contemporain, où l’emprise numérique semble intensifier toujours davantage les progrès de la servitude volontaire, chacun s’accommodant de sa transformation en donnée en échange d’une immersion inouïe dans un flux ininterrompu de communications.
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