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L’acte de juger et l’idée de droit social libertaire
Edouard Jourdain
Article mis en ligne le 19 juin 2016
dernière modification le 19 juin 2018

IL RÔDE DERRIÈRE LA FIGURE DU JUGE UNE OMBRE THÉOLOGICO-POLITIQUE
qui le rend d’emblée suspect. Le pouvoir qu’il a de sanctionner en se plaçant au-dessus des parties ne relève-t-il pas de ces attributs que l’on retrouve dans l’idée de Dieu ? Nonobstant l’idée qu’une société y compris anarchiste ne fera pas l’économie d’une réflexion sur les règles, les conflits et les transgressions, se pose la question de la figure du juge comme tiers, ainsi que son rapport au droit et aux principes directeurs de la société dans laquelle il agit.
Autrement dit nous retrouvons deux questions : la question de sa fonction (Y a-t-il une conception libertaire du jugement qui est possible ?) et la question de l’organisation sociale (et juridique) à laquelle il se réfère pour son jugement. Pour la réponse à la première question, il s’agirait d’envisager de revisiter la question du tiers en faisant la différence entre le tiers exclu (qui suppose une certaine transcendance dont les attributs sont héritiers du monothéisme et du concept de souveraineté) et le tiers inclus (qui suppose une certaine égalité et immersion dans le corps social). Il serait alors question de savoir si l’on peut envisager la figure du juge sur un certain plan d’immanence irradié de rapports juridiques libertaires et égalitaires (reflets et garanties de rapports concrets) tout en conservant la dimension symbolique qui est indispensable au rituel judiciaire.
Dans une première partie, le passé ne passant jamais, nous esquisserons une généalogie du droit et de l’acte de juger afin de déterminer ce que pourrait être un réagencement juste des composantes anthropologiques qui les traversent. Dans une seconde nous rendrons compte de la possibilité d’un droit social libertaire en nous appuyant particulièrement sur les fondements du rituel judiciaire et l’œuvre de Gurvitch. Enfin dans un troisième temps, considérant qu’il est possible d’élaborer de justes règles du jeu (en ce qui concerne les procédures de décision et d’édiction des normes, le statut de la propriété, etc.) constituant une garantie relative de la paix civile, nous verrons qu’il existe des cas qui ne correspondent à aucune norme existante. En ce cas il est nécessaire de concevoir les modalités d’un jugement qui excède le droit positif, fût-il libertaire et égalitaire.

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