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Présence psychologique auprès de sans papiers
par Alain Thévenet

Ça se passe dans les locaux de Médecins du Monde, à Lyon, où il est proposé aux migrants, après un examen médical effectué par un généraliste qui a estimé qu’il relevait d’une aide psychologique, de rencontrer un psychologue.

Article mis en ligne le 17 juin 2018
dernière modification le 5 avril 2019

Réflexions à propos d’une présence psychologique auprès de sans papiers

Alain Thévenet

21 mars 2016

Elle entre dans le bureau d’un pas mécanique et rapide, le visage légèrement incliné, évitant de croiser mon regard. J’écris « elle » parce qu’il s’agit le plus souvent d’une femme ; gardons donc ce pronom, même si occasionnellement il peut s’agir d’un homme qui aura généralement adopté la même attitude qualifiée arbitrairement de « féminine » et qui, en tous cas, se retrouve dans la même condition d’être une victime.

Elle vient d’un pays des Balkans ou de l’ex URSS, ou d’ailleurs. D’un pays qui fut en guerre et dans lequel elle avait la malchance de n’être pas de la « bonne » ethnie. Elle n’avait généralement pas choisi de lutter : ce n’était pas une héroïne, c’était parfois encore une enfant, ou simplement une personne qui tentait de survivre dans l’horreur.

C’est d’abord un corps terrorisé qui se présente. Lorsqu’elle parle, ensuite, ce ne sont pas les sévices qu’elle a subis qu’elle évoque, mais sa souffrance actuelle, me signifiant ainsi, à ce qu’il me semble, que ce n’est pas en tant que victime qu’elle s’adresse à moi, mais en tant que personne souffrante, ici et maintenant. Des maux de tête horribles, comme si celle-ci était prise dans un étau, pleine de choses à l’intérieur qui s’agitent et ne peuvent sortir. Une sensation constante d’étouffement comme si, là aussi quelque chose brûlait à l’intérieur de la poitrine.

Et lorsque quelque chose sort de ce bloc de souffrance, c’est d’abord, une expression tragique, un visage qui rougit, ou, au contraire, blanchit, des yeux rouges puis, les larmes qui coulent enfin, en silence. Des larmes douloureuses, mais qui soulagent. « C’est le seul endroit où je peux pleurer », me diront plusieures d’entre elles.

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