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Jacques Langlois
Pour une autre conception du service public
Article mis en ligne le 11 novembre 2007
dernière modification le 12 novembre 2007

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Il y a plusieurs conceptions du service public, c’est-à-dire de
la prise en charge des biens publics. La conception anglosaxonne
considère que lesdits biens font exception au marché.

Leur nature (accès sans rivalité et sans exclusivité) et l’incapacité du
marché concurrentiel à les prendre en charge n’en font que des
« utilités publiques », des « commodités » que l’Etat peut faire gérer par
des régimes de concession au secteur privé. Cette position est
problématique car les biens publics ne sont pas de même nature. Il y a
des biens « régaliens » tels la justice, la police, la défense, les relations
extérieures. Ils sont l’apanage de l’Etat, même si l’on observe que les
Etats se mettent à en sous-traiter l’exécution à des entreprises privées
comme dans le cas de la création et de la gestion des prisons. Il y a des
« biens providentiels », assimilables à la prise en charge des droitscréances,
c’est-à-dire ceux qui fournissent les moyens réels de la liberté
effective : assurances sociales, santé, éducation, etc. Ces biens font déjà
l’objet d’un partage entre le privé et le public. Celui-ci n’assure qu’un
service minimal en-dessous des conditions d’une vie réellement digne.
Celui-là complète les possibilités par des assurances privées, au coût
supérieur à une prise en charge socialisée, et, surtout, introduit une
discrimination négative entre ceux dont les revenus permettent de les
payer et ceux dont les salaires, ne permettant que de survivre, font qu’ils
ne peuvent pas les assumer. Enfin, il y a des biens publics marchands
(eau, électricité, poste, transports publics, les fameux SIEG, services
d’intérêt économique général de l’Union européenne) qui sont vendus,
car la consommation individuelle est différenciée et il ne faut pas
pousser à la consommation.

Le système français est mixte et n’a de commun avec le Royaume-
Uni que le principe du secteur régalien. Pour nombre de services et
biens publics, c’est le régime de la concession locale (eaux, transports,
pompes funèbres) à des boîtes privées,
avec cahier des charges des obligations
de service public. Ce régime est particulièrement
vicieux parce qu’il confronte
des municipalités (36 000 en France),
faibles pour la plupart, à des oligopoles
nationaux et internationaux. Les assurances
sociales, dans le système français,
à origine mutuelliste, avaient créé une
cogestion patronat-syndicats avec
élections.

Pour les services publics marchands,
mais pas seulement, le droit public
français avait conçu une doctrine autorisant
un monopole d’Etat sous des
obligations de service public. Ce système
a été profondément perverti par les
dirigeants de l’Etat, gouvernants dont il
faut rappeler qu’ils ne détiennent pas la
souveraineté, mais seulement son exercice
momentané. Les gouvernants se
sont servis du service public comme
d’une vache à lait fiscale et comme lieu
de placement de leurs favoris, aux frais
de l’usager au lieu du contribuable.
Ces deux modèles sont loin d’avoir fait
leurs preuves, même si le service public à
la française s’est toujours révélé plus
efficace. Or il existe au moins une
troisième possibilité : la prise en charge
des biens publics par un régime socialisé,
démocratique, partagé entre acteurs
sociaux, en dehors de l’Etat, c’est-à-dire
des gouvernants, et en dehors de
l’emprise capitaliste.

Cette possibilité ni
étatique ni capitaliste a été approchée
vigoureusement par Proudhon, fondateur
d’un fédéralisme socio-économicopolitique
et politique pour lequel il importe
d’abord de mettre en place une véritable
démocratie. La démocratie représentative
libérale souffre de nombreux vices de
construction. Elle est fondée sur
l’atomisme individualiste pour lequel la
société n’est qu’une collection d’atomes
(les individus) et de molécules (les
groupements) en interaction aléatoire. La
Révolution française a, du reste, interdit
les corps intermédiaires, les associations,
les coalitions, les corporations.

Elle
postule que l’Etat est extérieur, supérieur
et même antérieur à la société civile. La
solution libérale attribue le monopole de
l’exercice du pouvoir d’Etat à des
représentants élus constitués en classe
professionnalisée de politiciens munis
d’un chèque en blanc sur toutes les
questions qu’ils ne connaissent pas parce
qu’ils ne les vivent pas. Elle consacre une
division entre dirigeants politiques et
citoyens réduits à leur seule dimension
politique. Elle installe une coupure entre
les dimensions économiques et sociales,
d’une part, et le registre politique, d’autre
part.

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