C’est parce que les anarchistes sont particulièrement sensibles à l’imperfection de l’homme (avec ses penchants à l’égoïsme, à la violence…) qu’ils entendent le prémunir contre les dangers du pouvoir autoritaire qui décuplerait inévitablement ses potentialités de domination et de destruction, même avec les meilleures intentions (On se souvient des avertissements de Proudhon affirmant que si saint Vincent de Paul était au pouvoir, il deviendrait Guizot ou Talleyrand, ou de Bakounine soutenant qu’un démocrate sur le trône se transformerait en crapule). Considérons cependant la contradiction suivante : si les anarchistes reconnaissent l’imperfection humaine, comment envisager une société autonome et égalitaire intégrant cette imperfection ? Autrement dit, l’ambition anarchiste n’est-elle pas trop exigeante envers l’humanité ? Ne sous-entend elle pas un saut qualitatif qui n’est envisageable que dans le ciel des idées que l’on pourrait qualifier d’utopiques ? Si l’on considère l’homme comme complètement malléable et se réduisant à un pur sujet historique, ne fait-on pas l’impasse sur ces deux difficiles questions permettant d’éviter le pire et de réaliser ce qui est souhaitable : qu’est-ce que l’homme ? Que peut-il ?
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