À partir, en particulier, des grèves de l’hiver 1995 en France, se trouve mise en avant une critique anti-libérale. Les analyses qui se popularisent, souvent dans la lignée de Contre-feux de Pierre Bourdieu, insistent sur l’existence d’une main droite, répressive de l’État, et d’une main gauche, sociale. Cette deuxième face de l’État, tournée vers le care, il s’agirait de la défendre contre les attaques du néo-libéralisme. Cette vision d’une critique du démantèlement de l’État par le néo-libéralisme a été néanmoins quelque peu nuancée par des parutions à la fin des années 2000 : en effet, il apparaît que le néo-libéralisme ne peut pas imposer ses règles et ses orientations sans le recours à l’institution étatique. S’il est exact que le capitalisme a subi des transformations depuis les années 1970, qui se traduisent par un nouvel esprit néo-libéral du capitalisme, il en va de même de l’État qui connait lui aussi, depuis trois décennies, des réformes profondes. Celles-ci ont été intensifiées par la RGPP (Révision générale des politiques publiques)5, mais la managérialisation de l’État est plus profonde : évaluations par compétences, rationalisations et standardisations, contrôles... C’est sur ces transformations qu’entend se pencher cet article.
Néanmoins, pour comprendre les nouvelles formes de domination, il est nécessaire d’analyser ce qu’était l’État auparavant pour mesurer ses transformations. L’hypothèse que je vais développer dans cet article est celle du passage d’une domination caractérisée par une logique bureaucratique à une domination technocratique marquée par une logique managériale.
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