La démocratie serait-elle l’homme malade du xxie siècle ? Déclarée « horizon indépassable » de notre temps depuis une quinzaine d’années, on la voit aujourd’hui stipendiée comme « horreur démocratique » sous la plume des nouveaux réacs
La démocratie serait-elle l’homme malade du xxie siècle ? Déclarée « horizon indépassable » de notre temps depuis une quinzaine d’années, on la voit aujourd’hui stipendiée comme « horreur démocratique » sous la plume des nouveaux réacs épinglés par D. Lindenberg [1], tandis que politiciens, politologues et autres habitués de la scène médiatique se penchent à son chevet, à la recherche de moyens pour revitaliser des procédures démocratiques exsangues.
Ce qui frappe tout d’abord, c’est - sous l’apparent consensus autour d’une vulgate minimaliste qui identifie démocratie et garantie des libertés - la relative confusion qui entoure le terme aujourd’hui. Certes, le mot a toujours été polysémique, mais la, ou plutôt les, réalité qu’il recouvre sont parfois aux antipodes de son étymologie. Ainsi, ce dont la « nouvelle vague » réactionnaire fait le procès sous le nom de démocratie, c’est l’individualisme, le « droit de l’hommisme », l’hédonisme, la culture de masse. Il s’agit là, certes, d’un fond de commerce assez classique d’une droite conservatrice. Mais derrière la critique de l’idée d’égalité (toujours rebaptisée égalitarisme en ces circonstances), ce qui est dénoncée c’est la société consumériste de masse, dont on peut dire que, si elle est fruit du libéralisme de marché, elle n’a pas sans doute grand-chose à voir avec un supposé « pouvoir du peuple ». Pourtant D. Lindenberg affirme que « le fonds de culture commun de ces nouveaux réacs, c’est la critique de la démocratie » [2], pour préciser : c’est-à-dire la modernité individualiste. Pourfendant ces « nouveaux réacs », D. Lindenberg se fait aussi le chantre de l’actuelle confusion qui, sous le terme démocratie, identifie et amalgame un modèle de société, le modèle consumériste anglo-saxon, et un régime politique représentatif. Tous ceux qui ne se résignent pas à entrer dans le moule défini par ce couple société de marché/gouvernement représentatif, sont taxés d’attardés nostalgiques ou de rêveurs. [3] Ainsi, le résultat inattendu ou paradoxal de ce « rappel à l’ordre » censé renvoyer dans les cordes les « réacs » est-il de contribuer à la perpétuation de la doxa : hors de la démocratie représentative et du marché, point de salut !
Démocratie : état de société et modernité
Le mot démocratie a en fait subi des glissements de sens depuis vingt ans qui ont eu pour effet non seulement d’en obscurcir la signification, mais de rendre plus difficile la critique du système de société et de pouvoir que l’on désigne aujourd’hui sous ce nom.
Sous le mot démocratie, on entendait classiquement une forme de gouvernement où le peuple (souverain) est magistrat (prince) [4], ou bien où le pouvoir c’est-à-dire la souveraineté, vient du peuple, ce qui donnait au terme de démocratie une acception étroitement politique ; cette signification est secondarisée maintenant au profit de deux approches : la démocratie comme forme de société et la démocratie comme équivalent de la modernité ; distinctions qui en fait n’en font qu’une le plus souvent sous la plume des contemporains.
L’équivalence démocratie / « état de société » a été remise au goût du jour par C. Lefort et s’est enracinée durablement avec les multiples travaux effectués ces dernières années sur l’œuvre de Tocqueville. Ainsi le constat tocquevillien « d’égalité des conditions » (pseudo constat plutôt car, comme le dit C. Castoriadis dans une critique limpide [5], il ne s’agit pas d’un état réalisé dans nos sociétés ni du reste en 1830 à l’époque de Tocqueville) sert de repoussoir à l’idée d’égalité, qui joue alors comme une menace ; cela se voit sous la plume de D. Schnapper, récemment, qui se demande « si nous ne sommes pas passés du principe d‘égalité de tous devant la loi, à celui de l’égalité par la loi ». [6] Étrange représentation
de notre présent, caractérisé ces dernières années au dire d’études statistiques sérieuses, par un creusement sans précédent des inégalités, mais aussi de
notre passé ! Les pères fondateurs de la IIIe République, envisageaient la loi comme un correctif des inégalités héritées, dans le but de créer les conditions d’une égalité des chances ! La régression contemporaine se mesure à de tels
propos. [7]
La deuxième grande équivalence : démocratie/modernité qui circule aujourd’hui appelle quant à elle de plus longs commentaires, car elle est à la source même des affirmations selon lesquelles la démocratie représentative est indépassable, et mieux même, que la démocratie aujourd’hui n’est plus pouvoir du peuple ; et cela, non seulement parce
que, de fait, cette dépossession s’est institutionnalisée et apparaît comme naturelle aujourd’hui, mais parce que le dit peuple n’aspirerait plus à renouer avec sa supposée souveraineté et à l’exercer...
Ainsi C. Lefort énonce la formule
cardinale de l’équivalent démocratie/
modernité : « Du point de vue politique, le procès de la modernité dit-il, est le procès de la démocratie. » [8]
Les analyses de M. Gauchet quant à elles sont entièrement nourries de cette thématique Il prend acte d’un glissement libéral irréversible à ses yeux du concept de démocratie : « Aujourd’hui, dit-il [...], nous sommes entraînés par un mouvement de libéralisation des démocraties, jusqu’au point où l’on peut parler d’une éclipse de la dimension du pouvoir collectif. Les acteurs n’y aspirent pas,
même lorsqu’ils souffrent de ne pas en disposer. » [9]
Ainsi, la modernité démocratique, sortie de l’hétéronomie, ne signifie pas pour ces auteurs retour de l’autonomie, conçue comme un envers tout aussi détestable ; la fin du pouvoir du roi ne signifie pas le pouvoir du peuple.
Ce qui se passe aujourd’hui ne serait-il que la répétition d’une histoire où le libéralisme est le cheval de Troie de la réaction (ce qui nous ramènerait à la situation de 1830 où le libéralisme émancipateur ayant triomphé, il devient conservateur pour écarter le peuple du pouvoir) ? Pas si simple, l’histoire ne se répétant pas. La question est donc de voir si l’argument de la nécessaire limitation de la démocratie à son aspect représentatif, formel n’est que l’habillage contemporain de l’éternelle prévention des dominants contre le peuple, ou s’il s’y joue cette fois quelque chose d’indépassable qui contraindrait au deuil définitif de toute idée de démocratie « vraie ».
Pour ce faire, il faut prendre la mesure du déplacement de problématique engendré depuis une vingtaine d’années par les travaux sur la nature du totalitarisme. Quel est le cheminement intellectuel qui a conduit, comme tout naturellement, de la critique du totalitarisme à l’affirmation de l’aspect étroitement libéral de la politique moderne, enterrant au passage l’idée démocratique ? Quelle soumission à l’ordre du marché recouvre (paradoxalement) cette « redécouverte » du politique ?
Car ce nouveau regard porté sur la démocratie et le politique dans le sillage de la critique du totalitarisme pouvait paraître prometteur d’un renouveau de l’idée démocratique, et semblait augurer d’une heureuse réhabilitation de la pensée du politique. Il inaugurait une réflexion féconde sur la modernité définie comme mouvement d’auto-institution des sociétés, d’auto-création donc par les humains des normes de leur
vivre ensemble, à l’écart des sociétés
traditionnelles figées dans l’hétéronomie, la soumission à un fondement extérieur et intouchable des sociétés. Bonne nouvelle pour l’autonomie politique que cette sortie de la transcendance, érigée en base de la réflexion contemporaine. Mais cette vision en est arrivée rapidement à l’affirmation contraire de dépérissement du politique, de réduction du politique au juridique ; le prix à payer de la garantie des droits des individus étant pour ces auteurs l’acquiescement à la dépossession politique du peuple. Ces conclusions reposent, au départ, sur une sous-estimation de l’ambiguïté qui est au cœur de la modernité libérale, sous-estimation devenue soumission.
Il faut donc revenir sur ce concept de modernité qui a pris une place si importante depuis vingt ans. En effet, qu’entend-on par ce terme ? Un mouvement de civilisation entamé à la Renaissance au plan philosophique, qui vise à émanciper l’individu de la tutelle religieuse
et communautaire, qui laïcise le politique, et fait sortir la société de l’hétéronomie, promeut l’auto-institution du social. Projet qui est émancipateur, et qui a trouvé sa traduction politique au moment de la Révolution française, révolution libérale et démocratique puisque la garantie des droits des individus s’est trouvée « coïncider » avec le principe de la souveraineté du peuple. Cette modernité, libérale dans son origine puisqu’il s’agissait d’émanciper l’individu de la double tutelle,
politique royale et religieuse, s’est révélée démocratique en ce qu’elle affirmait l’égalité des individus, l’auto-institution de la société, et conditionnait la légitimité du pouvoir à son consentement par le peuple. Mais, dans le même temps, cette modernité libérale envisageait la protection des droits et libertés individuelles dans la séparation du politique et du social, et se fondait sur une conception d’un individu comme sujet de droit, mais affecté à son « utile propre ».
Ainsi la conception des droits naturels « modernes » sépare, dans son énoncé de la Déclaration, les droits de l’homme de ceux du citoyen ; il est utile de noter que cette modernité libérale secondarise le politique relativement à la conception qu’en avait la démocratie athénienne. Point n’est besoin d’attendre la lecture que fera B. Constant de la liberté des anciens et de la liberté des modernes, pour voir à l’œuvre dans la pensée libérale l’affirmation de la primauté d’une conception juridique et très vite économique de l’individu. On ne peut en effet laisser de côté tout cet aspect de la modernité libérale qui lie la définition juridique de l’individu (les droits fondamentaux) et la définition économique (homo oeconomicus supposé rationnel/utilitaire dans ses choix) et fixe comme priorité au sujet moderne de « faire son bonheur comme il l’entend », à l’écart d’une définition commune, politique du bien et des finalités sociales.
Le constat de départ d’une modernité définie comme autonomie [10] pour faire vite, est partagé de façon assez consensuelle. Les divergences se manifestent par contre sur la conception de l’individu qui lui est sous-jacente, et surtout sur l’aspect indépassable du libéralisme de marché dans lequel cette modernité s’est inscrite. Que se passe-t-il après pour que s’installe comme doxa l’idée que le peuple ne peut être dit souverain qu’à la condition de ne pas l’être effectivement (au risque du danger totalitaire, du retour de la barbarie) ? Qu’est-ce qui justifie finalement que le pouvoir du peuple, l’autonomie ne puisse que se traduire par la dépossession du peuple, l’installation de mécanismes représentatifs, et la réduction de la politique aux droits de l’homme ? C’est cet argumentaire que nous voulons examiner et critiquer maintenant, pour en discriminer le noyau incontournable peut-être de ce qui en constitue les limites.
L’impossible autonomie selon Claude Lefort
Il faut repartir de la définition du politique que donne C. Lefort : pour lui, le politique est le mode d’institution de la société, c’est-à-dire la conception implicite du rapport des hommes entre eux et de leur rapport au monde [11] ; nos sociétés modernes, démocratiques, seraient caractérisées par l’absence de référents hétéronomes à l’ordre social. Bien, mais C. Lefort, effectuant cette analyse dans le cadre de la recherche de la nature du totalitarisme, en conclut que cette auto-institution ne peut qu’échouer à s’accomplir si l’on veut éviter le risque de totalitarisme.
La différence de position entre lui et C. Castoriadis (qui maintient le principe d’auto-institution du social dans une société démocratique) tient à une conception radicalement différente de ce qu’est la politique. Pour Lefort, elle est « mise en forme et en sens » du social ; c’est l’institution même de la société : le politique, « c’est la constitution de l’espace social, c’est la forme de la société [...]. Le politique se révèle ainsi non pas dans ce qu’on nomme l’activité politique, mais dans ce double mouvement d’apparition et d’occultation du mode d’institution de la société ». [12] La réaction de rejet face à l’économisme marxiste fait que, chez Lefort, le politique qui n’était rien devient tout ! C. Castoriadis s’est fait un malin plaisir à critiquer « la confusion du politique, dimension du pouvoir explicite, avec l’institution d’ensemble
de la société ». [...] On assiste, dit-il aujourd’hui à « une tentative [...] qui prétend dilater le sens du terme jusqu’à lui faire résorber l’institution d’ensemble de la société. [...] Ce serait ainsi le politique qui porterait la charge de générer les rapports des humains entre eux et avec le monde ». [13] Cette différence explique pour une part la hantise lefortienne d’une « réalisation » du pouvoir du peuple, puisque la souveraineté populaire y serait identifiée à cette institution sociale totale.
Le problème posé par cette thèse lefortienne, de la dimension politique comme « génératrice » des rapports sociaux, est aussi qu’elle occulte une réalité de nos sociétés : à savoir que le lien social y est autant et plus institué par l’économique que par le politique. La réalité de la consistance de la société civile aujourd’hui, la structure du lien social tient pour une bonne part au marché, pour le pire, sans doute. Nous sommes dans des sociétés caractérisées de plus en plus par la primauté de l’économique comme lieu de réalisation du social. [14] C’est le marché qui est maintenant le concept organisateur et unificateur du social, qui a acquis le statut d’un concept philosophico-politique d’opérateur du social. Comme le rappelle (et le déplore) M. Revault d’Allonnes : « L’institution du politique n’est plus la condition de l’existence de l’ordre social : c’est la régulation des passions et des intérêts à travers les mécanismes du marché qui en est le centre de gravité. » [15]
Qu’est-ce que cela signifie sinon que la sortie du religieux qui caractérise la modernité, la fin de l’hétéronomie ne s’est pas traduite par l’autonomie politique au sens plein du terme, toujours empêchée parce que l’essence libérale de la modernité entrevoit ladite autonomie comme limitation du pouvoir politique et par là même de la place du politique (qui ne s’occupe plus des finalités collectives, du bien commun), laissant le soin à l’économique d’ordonner structurellement le social. La désintrication des sphères du religieux, du politique et de l’économique a engendré une autre forme de société structurée autour du couple garantie des droits/autorégulation sociale par le marché où « chacun fait son bonheur comme il l’entend ».
Il nous semble que se joue là, dans cette survalorisation de la place du politique quelque chose qui est de l’ordre d’une méprise, et qui repose sur le mélange en l’occurrence de deux niveaux d’analyse, qui sont aussi deux dimensions des sociétés (surtout modernes) : l’approche en terme de philosophie politique et celle en terme d’anthropologie. [16]Lefort en effet fait endosser (pas à tort, certes) une dimension symbolique au politique, l’institution de l’ordre social, qui était autrefois assurée structurellement par les religions : le politique est pour lui « mise en forme, en sens et en scène du social ». Il prend au mot la philosophie du Contrat des pères fondateurs de la modernité politique, et fait comme si le Contrat instituait réellement le tout du social. C’est pourquoi il pense alors ce pouvoir comme total, sur le mode des sociétés traditionnelles, c’est-à-dire que le politique moderne est réfléchi là à
l’intérieur des catégories et de l’imaginaire théologique matriciel du pouvoir royal incarné. Que les totalitarismes du xxe siècle aient correspondu à des tentatives de ce genre, c’est certain. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour n’envisager les formes possibles du politique dans les démocraties modernes qu’encadrées par un danger : le retour forcé de l’hétéronomie, et ce qui lui ferait barrage : le maintien de la conception étroitement libérale du retrait du politique.
Cet aspect de la pensée de C. Lefort a bien été repéré par Jacques Rancière, qui impute les limites de ses analyses à ce que, pour lui, la démocratie serait une sorte de fruit historique d’une catastrophe du symbolique. « On peut sans doute évoquer [...] cette “indétermination” démocratique conceptualisée par Claude Lefort. Mais il n’y a aucune raison d’identifier cette indétermination à une sorte de catastrophe du symbolique à la désincorporation révolutionnaire du “double corps du roi”. Il faut délier l’interruption et la désidentification démocratique de cette dramaturgie sacrificielle qui noue originairement l’émergence démocratique aux grands spectres de la réincorporation terroriste et totalitaire d’un corps déchiré. » [17]
C. Lefort, en effet, attribue une grande importance à l’idée d’indétermination. « La démocratie dit-il se révèle ainsi la société historique par excellence, société qui, dans sa forme, accueille et préserve l’indétermination, en contraste avec le totalitarisme qui, [...] s’agence en réalité contre cette indétermination, prétend détenir la loi de son organisation et de son développement. » [18] Cette notion d’indétermination exprime au mieux pour Lefort la mutation d’ordre symbolique qui caractérise la démocratie moderne, et la nécessité de son maintien : indétermination du fondement, pouvoir conçu comme lieu vide, comme n’incarnant pas l’essence du fondement. Le pouvoir « apparaît comme pouvoir de personne, sinon abstraitement celui du peuple » [19], nous dit-il. Or il y a une série d’équivalences discutables ; l’absence de fondement déterminé, extérieur aux sociétés est effectivement une donnée intangible, mais elle n’équivaut pas à cette nécessaire dépossession du pouvoir du « peuple ». C. Castoriadis a critiqué sévèrement cette thèse de l’indétermination, inexacte selon lui, parce que le pouvoir n’est pas lieu vide mais bien occupé, par une oligarchie, et que la supposée « indétermination » recouvre en fait des données bien réelles : une conception « négative » de la liberté [20] et un conformisme généralisé (toutes choses bien « déterminées »), enfin parce que si indétermination signifie que nous sommes dans un système où il y a de l’imprévisible, c’est une évidence, relative au statut « historique » de nos sociétés, à l’historicité qui est auto-altération des sociétés. [21]
Chez C. Lefort, cette hantise de l‘incorporation du pouvoir, fait que la « souveraineté du peuple » est pensée finalement comme une « incarnation du fondement » social, et est donc assimilée, si elle est effective, au pouvoir d’État (ou de l’état-parti). Ainsi ce pouvoir politique du peuple est en permanence pensé chez lui comme pouvoir unitaire, (le fantasme de l’UN), ce qui présuppose un peuple-substance, homogène, doté d’une identité fixe. Pour lui, le « pouvoir du peuple » ne peut être pensé que comme accomplissement dans le réel d’un pouvoir d’État, extérieur à la société et qui la recomposerait de l’intérieur pour arriver à une définition homogène du « bon » peuple, faisant ainsi violence à la division qui caractérise cette société. La seule parade possible pour éviter ce piège de la transparence, du peuple-un qui menacerait est, selon lui, de maintenir une société divisée, non réconciliée, et donc un pouvoir séparé. C’est cette nouvelle partie de son argumentaire que nous voulons évoquer.
Car ce qui est gênant, ce n’est pas le constat d’une nécessaire extériorité du politique ; je pense que si l’on veut penser la dimension du « commun », donc du politique, dans l’accueil des diversités sociales, il faut bien envisager une certaine extériorité du politique, en ce sens que le politique ne coïncide pas avec le social. La question de la fonction symbolique du politique (remplie effectivement dans la société actuelle par l’État, mais qui n’en est qu’une des matérialisations possibles, relative à l’histoire de nos sociétés), me paraît pour le moment, relativement incontournable car elle renvoie à cette division du social.
Mais C. Lefort légitime lui la conception de la séparation social/politique sous le mode libéral d’un État dit de droit pour justifier un éloignement du démos de ses propres affaires, c’est-à-dire des choses publiques.
« On se tromperait dit-il, à juger que le pouvoir se loge désormais dans la société, pour cette raison qu’il émane du suffrage populaire ; il demeure l’instance par la vertu de laquelle celle-ci s’appréhende en son unité, se rapporte à elle-même dans l’espace et le temps. [...] Mais cette instance [...] se fait tacitement reconnaître comme purement symbolique » [22]... et est destinée pour lui à le rester, c’est-à-dire à signifier le retrait du peuple du politique, car dit-il : « Qu’est-ce que le royaume imaginaire de l’autonomie, sinon un royaume gouverné par une pensée despotique ? » [23] Pour lui, en effet : « Qui rêve d’une abolition du pouvoir garde en sous-main la référence de l’Un et la référence au Même : il imagine une société qui s’accorderait spontanément avec elle-même [...] une manière de produire, d’habiter, de communiquer de s’associer, de penser, de sentir, d’enseigner, qui traduirait comme une seule manière d’être. » [24] N’en jeter plus, a-t-on envie de dire ! Toute idée de voir une lutte déboucher dans le réel se nourrirait, à l’entendre, du refus de l’acceptation de cette division du social. Il en arrive donc, à admettre comme seules légitimes les luttes pour les droits mais à condition qu’elles n’aboutissent pas dans le réel.
Ainsi, selon lui, la seule posture responsable est de « résister » à l’autonomie, celle-ci n’étant qu’une formule qui, au-delà de son évidente séduction, ne fait que reconduire la croyance illusoire en la possibilité pour les hommes d’une prise sur leur destin commun. Raillant ceux
qui pensent que seule l’aliénation et la domination empêchent le contrôle des humains sur leur monde, il ironise sur ceux pour qui « seules une volonté maléfique et une servitude complice avaient depuis des siècles ou des millénaires dérobé aux peuples cette vérité toute simple qu’ils étaient les auteurs de leurs institutions et, plus encore, de leur choix de société ». [25]
On voit là que pour lui, la seule façon d’envisager le politique, se fait sur un mode effectivement totalitaire, ce qui fait que la société libérale dépolitisée lui paraît supérieure. Animé par le fantasme de la toute-puissance de l’État, comme fasciné à rebours par cette figure, il ne peut qu’en faire la condition de toute pensée du politique.
M. Gauchet ou la soumission à l’air du temps
Bien que C. Lefort et M. Gauchet se soient éloignés, on trouve chez ce dernier le constat du caractère indépassable de notre démocratie libérale, justifiée par un argumentaire qui prolonge celui de Lefort.
Que nous dit en substance M. Gauchet ? Qu’aujourd’hui, la démocratie
est vraiment enracinée parce qu’elle a changé de sens ; le triomphe de la démocratie se mesure à l’éloignement du peuple du pouvoir politique et même à la disparition de l’aspiration du peuple à l’exercice de sa souveraineté ! Ce thème est dominant dans ses derniers travaux. Notre démocratie dit-il « sacralise à ce point les droits des individus [...] qu’elle sape la possibilité de leur conversion en puissance collective. Une démocratie qui joue donc [...] une partie d’elle-même contre une autre, ses bases juridiques contre leur expression politique, son principe générateur contre le gouvernement effectif d’elle-même. Cela se traduit [...] par un décalage appréciable entre l’idéologie proclamée et les pratiques réelles ». [26] En d’autres termes, ce que M. Gauchet dit là, c’est que la vision de B. Constant sur la modernité a triomphé, sans retour possible ; l’essentiel, ce sont les droits des individus et pas la participation politique ; il serait donc dans la nature de la démocratie de s’échapper à elle-même.
L’explication réside, là encore, dans l’accent mis par Gauchet sur un aspect de la modernité : la sortie de la religion [27], caractéristique clé pour lui de la démocratie, envisagée essentiellement comme désenchantement du monde. Pour lui, la sortie de l’hétéronomie ne signifie pas pleine ressaisie des communautés humaines dans l’autonomie.
La légitimation qu’il donne du gouvernement représentatif se fonde sur une analyse du lien hétéronomie/autonomie, de la présence à soi de la société et de l’altérité si l’on veut. « La dimension d’altérité charriée par le religieux, nous dit-il, ne s’évanouit pas comme par enchantement lorsque l’on sort de la justification religieuse du pouvoir. » [28] Il y a selon lui
un reste non réductible d’altérité qui ne peut que se manifester entre le pouvoir du peuple et lui-même, et cette altérité au centre du même, se manifeste par l’indépassable représentation politique. C’est-à-dire que le pouvoir, situé autrefois en haut, en Dieu, et incarné ici bas par le roi, une fois ramené en bas, dans le peuple, doit se déléguer dans les représentants ; comparant le pouvoir ancien et le moderne, il nous dit : « Il y a là un système dont on pourrait énoncer ainsi la règle : il (le pouvoir ancien) représente de l’autre afin de produire du même. [...] Nos régimes relèvent d’un système qui fonctionne exactement à l’opposé : le pouvoir représente du même, mais il produit de l’autre. » [29] À vrai dire, on voit mal la nécessité de cette altérité au cœur du dispositif politique moderne, et pourquoi « ce qui se donnait sous une forme explicitement religieuse se retrouve sous une forme opératoire au cœur du lien collectif ». [30] Car pour dire les choses autrement, la nécessité du détour par le tiers pour être soi-même, bien connu des spécialistes du symbolique, pour réelle qu’elle soit, n’implique pas une dépossession. Il semble même, si on file la métaphore individuelle, que la voie vers l’autonomie passe, non certes par une croyance naïve à une pleine coïncidence retrouvée de soi à soi, mais par une relative conscience des « figures » à travers lesquelles ladite autonomie va s’exprimer. Dans le même registre, il semble que si la souveraineté du peuple ne peut se manifester tout uniment (et cela d’autant plus que l’on suppose l’unité d’un sujet politique qui est en réalité multiple, pluriel, divisé), elle peut s’exprimer à travers des médiations, mais qui ont sans doute peu de choses à voir avec la dépossession opérée par la représentation... et pour tout dire par l’État.
M. Gauchet n’envisage au fond ce que serait l’autonomie politique du peuple que sur le mode de l’« envers » de l’hétéronomie, c’est-à-dire d’une ressaisie pleine et entière de la communauté, c’est-à-dire d’une tentative de réenchantement, sous l’égide d’un pouvoir qui sait ce qu’il en est de l’essence de la communauté et de sa réalisation historique. Dans ce cadre, pour lui, un retour à une politique comme activité auto-instituante, ne peut être pensée que comme « accès de l’humanité à la pleine disposition rationnelle d’elle-même [...] figure religieuse d’un sens qui détermine la conduite des hommes “du dehors”, logique idéale d’une réconciliation à venir ». [31]C’est-à-dire que la politique ne peut être conçue que comme la mise en œuvre d’une eschatologie de type hégéliano-marxisant.
Cette menace est au cœur de son analyse ; ainsi, il ne voit dans toute tentative politique de penser « autre chose » que l’existant, que l’annonce de « l’avènement de la société pleinement réconciliée dans l’égalité ». [32] C’est dire combien il reste
prisonnier d’une vision de la politique limitée à la version qu’a pu en donner le pire bolchevisme, aux mythes de la bonne société d’après le grand soir... (tentation
à laquelle beaucoup ont cédé il est vrai) dans l’oubli que des pensées politiques radicales, se sont situées à l’écart de ces conceptions.
Ainsi, pour lui, « le totalitarisme d’extrême gauche prétend faire entrer un contenu autonome dans une forme hétéronome ». Affirmation explicitée plus loin : « Les tenants de l ‘avenir et de l’autonomie radicale qu’il promet vont chercher dans le passé, à leur insu, l’outil de sa réalisation. Ils ne peuvent concevoir la société qu’ils appellent de leurs vœux, la société émancipée et véritablement capable de s’auto-gouverner, que sur le modèle d’une société unie avec elle-même grâce à l’union avec un pouvoir qui la sait dans toutes ses parties. » [33]On voit là la limite au raisonnement de M. Gauchet, pris lui aussi dans la fascination à rebours de ce modèle étatique-autoritaire.
Toute tentative de donner vie à une démocratie vraie est pour lui vouée au danger de clore l’histoire, d’hypostasier une figure héroïque du peuple, toute activité politique étant identifiée au retour exigeant des fidélités et sacrifices du passé.
D’où sa revendication d’une politique réduite aux droits de l’homme, mais qui
s’accompagne paradoxalement d’une promotion du politique comme dimension première des sociétés, et explicative aussi de leur logique. Ainsi pour M. Gauchet, nous sommes aujourd’hui à une période historique « de l’entrée dans le réel de nos sociétés des théories du droit naturel ». [34] Affirmation qu’il conviendrait de relativiser si l’on pense, entre autres, aux droits « à la sûreté » des chômeurs en fin de droits ou des SDF. Mais ce propos signifie pour lui que tout se passe comme si le lien social, l’intersubjectivité, l’unité et la cohésion de la société étaient donnés par cette dimension.
Son analyse appelle deux commentaires : sur la signification d’une réduction du politique aux « droits », et sur le lien politique/marché. J. Rancière, encore une fois, a formulé de façon très claire ce que cette prétendue réduction du politique aux droits de l’individu recouvre : non pas une promotion de la démocratie, mais un retrait du politique : « On salue là volontiers, dit-il, une refondation de la démocratie sur les principes fondateurs du libéralisme, la soumission du politique, en la personne de l’État, à la règle juridique qui incarne le contrat mettant en communauté les libertés individuelles et les énergies sociales. Mais cette prétendue soumission de l’étatique au juridique est bien plutôt une soumission du politique à l’étatique par le biais du juridique, l’exercice d’une capacité de déposséder la politique de son initiative par laquelle l’État se fait précéder et légitimer. » [35]
Certes, mais bien qu’à une époque M. Gauchet reconnaissait qu’une politique réduite au maintien des droits risquait d’être une mort de la politique, il explique aujourd’hui que, si autrefois, pour un J.-.J Rousseau, « l’homme était pleinement homme dans le citoyen », aujourd’hui la nouvelle conception des droits de l’homme « consiste à exploiter l’inhérence des droits à la personne contre l’appartenance du citoyen ». [36] Et les droits naturels seraient devenus si évidents, qu’il ne serait plus besoin d’en passer par la construction politique de la citoyenneté pour les mettre en œuvre ; ils seraient objectivement fondateurs !
Mais derrière ce statut fondateur et régulateur donné aux droits de l’individu, et affiché si brillamment, c’est bien la notion d’intérêts et les mécanismes du marché qui sont ceux qui assurent véritablement la cohésion sociale. M. Gauchet n’en disconvient pas... à sa façon. Il écrit d’un côté : « La marche même du monde a imposé une réinterprétation complète de la façon dont s’établit la cohésion des collectivités, de ce qui leur permet d’exister en tant que société, dit-il. [...] Je fais partie de ceux qui pensent que ce n’est pas l’économique qui explique le politique, mais que c’est le politique qui est premier, qu’il faut en expliquer la configuration du dedans de lui-même et que c’est à partir de là qu’on peut comprendre comment l’économique se sépare et influence l’ensemble » [37] ; mais, dans le même temps, la notion d’intérêts bénéficie nous dit-il, de la même « irréductibilité de principe que la liberté et l’égalité naturelle ». [38] Il re-énonce alors les vertus cardinales smithiennes : l’idée de marché « a fort peu à voir avec des considérations d’efficacité économique. Elle est le fruit d’une reconsidération du statut politique de l’acteur, et c’est pour ce motif qu’elle fonctionne comme un modèle général des rapports sociaux ». [39] Le corollaire logique en effet de cette société des droits « qui tient toute seule », c’est que nous sommes entrés dans une société de marché.
Il est donc fort bien de sortir de
l’économisme, mais ce retour du politique comme dimension explicative première, a pour effet d’occulter la part
prise par la logique du marché en tant qu’agent de structuration des forces sociales et de l’imaginaire dominant, et de faire passer une politique réduite à la garantie des droits de l’individu pour le nec plus ultra de l’autonomie politique moderne. C’est- à-dire que la dépolitisation actuelle devient le summum de la politique moderne. Triomphe posthume, pas même de Tocqueville, si adulé par nos auteurs, mais de B. Constant !
On a donc assisté là à un intéressant tour de passe-passe qui transite par l’extrême sophistication de l’analyse sur la nature du totalitarisme et la modernité, pour retrouver comme mode et grille de lecture de nos sociétés les intuitions de Locke et Smith conjugués, « alpha et oméga » d’une histoire qui, au nom des droits, passe à la trappe l’idée de démocratie et enterre le politique. Ainsi le programme de B. Constant est réalisé : la liberté, c’est aussi la liberté de se libérer de la politique...
Des tensions notées par Gauchet au départ, entre garantie des droits et participation au politique censée les mettre en œuvre, ne reste que l’identité supposée des droits et des intérêts. Et derrière l’affirmation du nouveau sens pris de nos jours par les droits de l’homme, ne demeurent qu’une conception étroitement libérale, l’affirmation du lien indissociable des droits et du marché, construit historiquement et étayé théoriquement. Le Gauchet qui s’interrogeait sur le fait de savoir si nos sociétés démocratiques étaient encore capables de forger des individus démocratiques a cédé la place au contempteur satisfait du présent.
Et maintenant ?
Que reste-t-il maintenant, après ce constat que les présupposés libéraux qui nourrissent les pensées de nos philosophes politiques contemporains les rendent aveugles à l’idée démocratique ? Peut-on reconduire sans changement la critique faite aux systèmes représentatifs et à la conception libérale qui pose au départ un individu supposé libre et titulaire de droits qu’il suffirait de garantir ? Doit-on admettre que « tout se passe comme si » il existait des lois intangibles de la modernité qui voueraient éternellement maintenant la société à n’être liée que par le marché, réduisant en cela le politique à un aspect gestionnaire de quelques nécessités secondaires de la vie en société.
Bref à quel prix la démocratie est-elle pensable aujourd’hui ?
Ce qui reste à mon avis de ce concept relooké de démocratie issu des travaux sur le totalitarisme, c’est l’idée d’une non-coïncidence à soi du social et du politique ; ce qui ne signifie pas une pure reconduction de la séparation société civile/État, mais nous renvoie du côté du politique pensé comme lieu et lien commun, à l’écart des fantasmes de l’UN et du supposé accomplissement d’un sujet politique ou historique dans l’advenue d’une société bonne et non divisée. Une telle approche du politique, du reste, a été explorée que ce soit dans l’œuvre de C. Castoriadis ou d’H. Arendt, et plus récemment dans les travaux de E. Tassin ou M. Revault d’Allonnes.
La tradition libertaire a elle toujours accueillie l’idée d’autonomie dans la diversité, de pluralisme en un sens, à l’encontre des dérives marxisantes porteuses de l’idée du « bon sujet politique » et de la fin des contradictions. C’est dans cette voie qu’il faut creuser.
Dans son récent ouvrage, Impasse Adam-Smith, J.-C. Michéa [40], après avoir opéré une critique radicale de la modernité et de l’individualisme abstrait, ne trouve d’issue que sur le terrain moral, réhabilitation du don comme structure intersubjective à partir des catégories anthropologiques de M. Mauss, « common decency », explorée par G. Orwell, réhabilitation de la civilité/solidarité.
Fort bien. Mais il semble que développer, en réponse aux limites de la modernité, le culte de l’amitié ou la capacité morale des hommes à s’obliger réciproquement, pour noble que ce soit, ne contient pas la réponse à un problème qui reste essentiellement politique [41] dans sa dimension réelle, celle du vivre-ensemble. Ces réponses morales semblent être même ce qu’appelle le capitalisme libéral car elles lui permettent, en évacuant la place du politique, de la laisser libre et donc de fait occupée par le jeu des intérêts dominants.
Repenser à nouveaux frais ce que pourrait être simplement une « démocratie vraie » aujourd’hui, après examen raisonné des failles mais aussi des aspects émancipatoires de la modernité, n’est pas choses aisée. M. Revault d’Allonnes propose de fonder politiquement les droits de l’homme, c’est-à-dire de réhabiliter la citoyenneté, non comme un droit comme les autres à garantir, mais comme exercice réel. [42] Certes, mais ce programme qui renoue avec l’énergie et l’idéalisme du programme des pères fondateurs républicains semble bien modeste au regard de l’ampleur de la dépolitisation. Plus intéressante est la piste ouverte dans la lignée de H. Arendt par l’idée d’exposition des opinions dans l’espace public, comme mise en œuvre d’un monde commun. « L’espace public, dit-elle, est un espace d’apparition, un espace dans lequel les hommes parlent et agissent en s’apparaissant les uns aux autres. C’est de cet “apparaître” que procède
la transfiguration des expériences propres à la vie publique. » [43] Et encore : « Les opinions et les actes ne font sens que dans un monde commun où se
réalise effectivement la “condition humaine de pluralité” ; c’est-à-dire la capacité à être vu et entendu par d’autres dans un espace public où les hommes révèlent leur singularité - et donc leur pouvoir effectif - en s‘apparaissant les uns aux autres. » [44]
Bien sûr ; mais cette posture philosophique laisse entière la question de l’accès à cette sphère publique dans une société comme la nôtre aujourd’hui, où, en raison des intérêts qui la structurent, elle se transforme en une sphère appropriée, donc privée. [45] Il faut aussi prendre la mesure de ce que ce fonctionnement supposerait en matière de « production » d’individus démocratiques.
Il reste que, pour qui n’est pas habité par la douce quiétude des jouissances privées que nos sociétés de marché seraient censées nous procurer, la valorisation du politique entrevu comme « mésentente », irruption, brèche introduite par la parole non consensuelle demeure un objectif ; et cela, afin de faire exister le meilleur de la démocratie, qui est « mise en question de l’institué » [46], c’est-à-dire exercice d’un imaginaire
en acte qui fait défaut et que trop de
discours contemporains, sous prétexte de lucidité (quand ils ne sont que l’idéologie dont le libéralisme de marché a besoin), contribuent à étouffer. Ce propos de Ph. Chanial peut contribuer a contrario à imposer une autre vision de la démocratie : « La finalité de la démocratie ne consiste pas à satisfaire les intérêts ou à garantir les droits personnels d’individualités déjà constituées. Elle consiste bien plutôt à façonner un environnement social qui permette d’enrichir l’expérience de tous et de favoriser le développement continu de l’individualité de chacun. » [47] Un programme godwinien [48] en quelque sorte...
Monique Boireau-Rouillé