Le dernier numéro (116-117) des "Cahiers d’histoire", revue d’histoire critique, publie un dossier important sur les Bourses du travail :
Retour sur les Bourses du travail
Aux sources de l’histoire syndicale française
"Au moment où un président de la République française peut proposer parmi les mesures à même de lutter contre la crise économique des « accords de compétitivité » autorisant les négociations entreprise par entreprise du temps de travail, cassant le droit du travail, la validité des conventions collectives, il paraît plus urgent que jamais de revisiter les temps au cours desquels ceux qui vivaient de leur travail ont cherché à créer des associations leur permettant d’être moins vulnérables, notamment face aux employeurs1. Temps comme aujourd’hui de transformation des conditions du travail, temps de récession économique qui provoque du chômage dans un contexte de développement des dogmes libéraux en matière économique, temps comme aujourd’hui où les travailleurs paient de leurs conditions de vie les transformations des formes du travail, les concurrences accrues entre les entreprises, entre les états. C’est en effet au cours de la « longue récession » de la fin du xixe siècle que se créent en France les premiers syndicats et dans leur foulée les Bourses du travail, fruit du besoin vital de s’unir pour peser sur l’organisation du travail, fruit d’un long cheminement de résistance à l’interdiction des coalitions, à la répression des organisations, de grands espoirs d’émancipation (...)
On connaît la place nouvelle faite à l’histoire culturelle, histoire du corps, des loisirs, de la mode… Nous avons tous partagé le constat ; à défaut de partager tout à fait l’engouement dans ce qu’il comportait d’oblitération souvent des rapports de domination, de leurs élaborations politiques notamment. Cependant, les historiens secoués par les grands mouvements de protestation collective sont revenus vers les hommes au travail, plus vers l’étude des formes de leurs protestations, manifestations, grèves, que sur les aspects économiques, salaires, temps de travail ou organisations syndicales.
Sans doute, les études présentes, travaillées par l’inquiétude globale, écologique pour l’avenir de la planète, amènent-elles les historiens vers une histoire de l’environnement, mais aussi vers un renouveau d’intérêt pour ce qu’Irène Pereira repère chez les anarcho-communistes, la société comme « communauté d’intérêts qui seraient liés à l’existence d’une commune humanité ». Le renouveau d’intérêt pour les Bourses du travail passera-t-il par cette plongée dans le mouvement social d’avant le bolchevisme, nourrie des échecs des mises en œuvre communistes étatistes du xxe siècle, nourrie aussi de l’effacement de la lutte des classes comme principal paradigme explicatif du social ? Le renouveau d’intérêt pour la pensée et les mouvements anarchistes de la fin du xixe siècle est sensible, qui ne s’accompagne pas toujours d’ailleurs d’un déni de la lutte des classes."
Extraits du "mot de la rédaction" (Anne Jollet)
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