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Eduardo Colombo
Prolégomènes à une réflexion sur la violence
Article mis en ligne le 8 août 2002
dernière modification le 8 août 2010


« Je parlerai de la bonne violence qui porte la réponse insurgée du dominé au dominant. »

C’est le quatrième acte des Justes de Camus, et Kaliayev se trouve dans une cellule de la tour Pougatchev à la prison de Boutiri après avoir tué le grand-duc Serge. Un prisonnier, Foka, pour réduire sa peine de meurtrier, pend les condamnés. Il croit qu’un bourreau ne commet pas de crimes « puisque c’est commandé ». Kaliayev s’adresse à lui :

Kaliayev : Tu es donc un bourreau ?

Foka : Eh bien, barine, et toi ?

Camus : les Justes (p. 364 , la Pléiade)

Pour le bourreau, ses actes et celui de Kaliayev s’équivalent, mais dans le monde humain de la chair souffrante et humiliée, la révolte et l’oppression ne sont pas échangeables, un axe les unit mais une valeur radicale les oppose.

La violence de la révolte et la violence de l’oppression ne parlent pas la même langue, et toute traduction de l’une dans l’autre est impossible. Celui qui veut les traduire parle la langue de Foka.

Ainsi, nous voulons, d’entrée de jeu, poser une affirmation et établir une distinction. La violence de l’opprimé, du révolté, est nécessaire et légitime. La violence qui libère n’est pas du même ordre que la violence qui opprime.

À partir de là, beaucoup de problèmes se posent. La première difficulté qui se présente quand on veut discuter ou réfléchir sur la violence est l’étendue de son champ sémantique. La violence n’est pas une catégorie conceptuelle unifiée. Le contenu le plus général du mot fait référence à une force excessive, incontrôlée, brutale, abusive. La violence de la pluie, du vent, de l’incendie. Si on veut contraindre quelqu’un par la force, on lui fait violence. Mais on peut obliger par d’autres moyens, la menace, les bons sentiments, la tromperie. On viole un corps ou une conscience. Mais aussi on se fait violence pour dominer sa colère. On a une violente et dévorante passion pour une femme ou pour la liberté. Violents sont le despotisme et la tyrannie. Le pouvoir opprime. L’oppression peut être douce ou violente, mais elle me fait toujours violence.

Quand on veut unifier la violence, on se trouve devant le paradoxe suivant : si le tyran me fait violence pour me soumettre à sa volonté, je me révolte. Et, par cette action, je lui fais violence en l’empêchant d’accomplir ses désirs. À l’évidence ces deux violences ne sont pas symétriques.

Le tyran et le révolté, ou le capitaliste et le prolétaire, se dégagent de l’arrière- plan comme des figures ou des types de la lutte sociale, mais dans l’écoulement constant de la vie, dans la pratique répétitive du quotidien, c’est dans l’institution hiérarchique et étatique de la société que se trouvent les formes ouvertes ou cachées de la violence collective, politique, sociale, institutionnelle. Parce que les comportements individuels prennent sens dans ce contexte social, c’est-à-dire qu’ils deviennent conformistes ou réfractaires ou révolutionnaires à l’intérieur d’un univers symbolico-imaginaire grâce auquel la société prend forme et se reproduit.

Sur le socle de l’exploitation économique, la domination politique ordonne et réprime. L’État est le représentant et le garant symbolique de l’ordre établi. Nous pouvons dire dans une formule que la violence est une fonction de la structure de la domination. Elle est violente quand elle oblige et sanctionne. Elle justifie d’avance la violence du révolté.

La violence primaire

Ici gît, enseveli par la force prégnante des représentations imaginaires centrales de notre monde hiérarchique et androcentrique, un problème grave et complexe, mille fois dénoncé mais difficile à expliciter. Devant les manifestations ouvertes de la violence du pouvoir, la réaction s’impose d’elle-même, mais les entreprises sournoises de conditionnement, de nivelage, de dressage qui s’exercent de façon subtile et aimable, sollicitant et obtenant la complicité de la victime, sont plus difficiles à reconnaître. En plus, l’alchimie de l’adaptation s’effectue dans le processus de socialisation de l’enfant où les formes de la domination politique existante se transforment en catégories psychologiques de la réalité établie.

Les structures de domination « sont le produit d’un travail incessant (donc historique) de reproduction auquel contribuent des agents singuliers » [1], c’est-à-dire les hommes et les femmes dans leur vie personnelle et sociale, vie encadrée par la Famille, l’Église, l’École, l’État. Ainsi les dominés – comme les dominants d’ailleurs – appliquent eux-mêmes les catégories interprétatives ou compréhensives du monde qui ont été construites du point de vue des dominants mais qui, venant maintenant aussi des dominés, apparaissent comme naturelles.

On reconnaît là ces processus – que Bourdieu appelle le paradoxe de la doxa – qui sont responsables de la transformation de l’arbitraire culturel en un fait de nature. Et qui produisent, quand on fixe un petit peu l’attention sur le problème, cet espèce d’étonnement devant « le fait que l’ordre du monde tel qu’il est [...] soit grosso modo respecté, qu’il n’y ait pas davantage de transgressions ou de subversions, de délits et de “folies” [...] ;

ou, plus surprenant encore, que l’ordre établi, avec ses rapports de domination, ses droits et ses passe-droits, ses privilèges et ses injustices, se perpétue en définitive aussi facilement, mis à part quelques accidents historiques, et que les conditions d’existence les plus intolérables puissent si souvent apparaître comme acceptables et même naturelles ». [2]

Étonnement qui, deux cent cinquante six ans avant le texte de Bourdieu que je viens de citer, avait saisi déjà Hume :

« Rien ne paraît plus surprenant, à qui considère les choses humaines d’un œil philosophique, que la facilité avec laquelle la minorité gouverne le grand nombre, et l’aveugle soumission avec laquelle les hommes sacrifient leurs propres sentiments et passions à ceux de leurs gouvernants. » [3]

Habitués à un société structurée sur la domination – qu’en la trouvant déjà là à leur naissance ils prennent pour un fait naturel –, les femmes et les hommes méconnaissent cette violence première, symbolique, rampante, froide, structurante de leur propre être psychique.

Nous voilà engagés dans des voies de la raison qui vont à l’encontre du « témoignage des sens » cher à la plupart de nos semblables.

La violence qui se montre, chaude, sensible, que nous voyons tous les jours, est une autre violence : les tueurs en série (serial killers), les viols, la maltraitance, le racket, la « violence urbaine » des « quartiers sensibles », la violence aveugle et sans objet des jeunes marginalisés sans projet ni avenir, la petite délinquance de l’exclusion, mais aussi les bombes, les occupations d’usine, les séquestrations de patron, les vitrines brisées, les émeutes, les attentats à la propriété, les squats, etc.

Toutes les formes de la violence – manifestations conscientes d’une révolte ou inconscientes expressions d’une situation sociale – sont amalgamées et criminalisées en bloc pour être mises au service du discours de l’insécurité. Ce discours, colporté par tous les moyens de communication de masse, donne la vision autorisée du monde social à l’époque de la mondialisation du marché capitaliste et il construit en même temps son objet : la « violence des jeunes », la « violence urbaine », propre aux exclus, aux immigrants, aux classes populaires, aux quartiers de relégation.

La classe dominante dans la société néo-libérale – comme la bourgeoisie à l’origine de l’industrialisation – fait appel à un traitement pénal de la misère et signale comme responsable la classe dangereuse, en occultant son propre rôle dans la genèse sociale et économique de la marginalisation.

En prenant appui sur le postulat de la croissance du phénomène dit de « la violence urbaine » – concept idéologique manipulable a piacere –, les différents gouvernements dans les pays du capitalisme avancé adoptent, avec les nuances nécessaires, les « théories » formulées par la droite américaine des années 80 devant la nouvelle situation créée par le capitalisme conquérant, la déréglementation du secteur privé et l’amenuisement du secteur public. Ces prétendues théories sont basées sur le triptyque suivant (devenu entre-temps néo-libéral, mais aussi de plus en plus « social-démocrate ») : le marché « libre », la responsabilité individuelle (appel aux tribunaux, aux juges) et les valeurs de la famille (patriarcale soft). Avec l’écart, lui vraiment croissant, entre riches et pauvres, et la peur des nantis devant le moindre désordre qui puisse surgir dans « la populace de nos grandes villes » confrontée à la « fracture sociale », les théories néo-libérales aboutissent, comme nous sommes en train de le voir tous les jours, à la doctrine de « la tolérance zéro », exemple de la politique policière et judiciaire de l’État pour gérer la nouvelle pauvreté. [4]

Toutes les manifestations ouvertes de la violence sont manipulées de telle façon que leur présentation quotidienne écrite et en images laisse dans l’ombre leur véritable sens et leur connexion avec le pouvoir. Le discours social travaille au niveau de la représentation pour inverser en surface la relation profonde. Le discours présente les choses comme si la violence commençait avec l’acte du sujet qui se rebelle ; sont violents ceux qui n’acceptent pas, ceux qui disent non à l’ordre social. Puis vient la violence de l’État, réponse à la première, violence secondaire : c’est la répression nécessaire pour sauver la vie et les biens des honnêtes citoyens, le droit sacré à la propriété, à la vie et au travail. C’est-à-dire violence bénéfique pour secourir la loi et l’ordre, l’ordre social.

Nous arrivons ainsi à une autre définition de la violence sociale plus pragmatique : la violence apparaît comme expression de tout type de comportement individuel ou groupal qui met en danger l’ordre établi et qui fait intervenir les forces répressives de l’État. Un tel comportement peut être calme et pacifique ou brutal et extrême, il violentera la règle imposée ou la soumission requise.

De toute façon, nous sommes toujours confrontés à deux formes de violence, l’une qui menace l’ordre, l’autre qui le rétablit. Mais l’opinion normalisée voit seulement la première comme primitive, originaire, négative et illégitime. Le discours de l’insécurité reconnaît et signale seulement un type particulier d’action violente : la violence des opprimés, la seule « illégitime ».

Face à elle, la violence « légitime » de l’État. Même si l’ordre social est injuste, même s’il génère un horrible désordre (la misère des uns, l’opulence et la puissance des autres), la violence de l’État, gardien de cet ordre, est considérée comme légitime et protégée par son Droit et sa Justice. L’État légitime sa propre violence même quand elle détruit la vie et la sécurité de millions d’êtres dans les guerres, les massacres et le déplacement de populations entières.

À l’intérieur de ses frontières, la raison d’État, limite bien connue de la démocratie [5], justifie la pratique de l’extermination physique, consciente et méthodique, des opposants politiques, comme l’ont fait à grande échelle le nazisme et le fascisme, comme l’ont fait Staline et Franco, comme au Chili, en Argentine, en Iran. Ou, à petite échelle, comme le cas Ben Barka en est l’exemple. (Si nous considérons une période suffisamment longue, quel pays serait absent de cette liste ?)

Mais les États n’ont pas seulement le monopole de la violence légitime, ils ont aussi celui de la force organisée : armée, police, services secrets. Qui serait de nos jours assez aveugle ou naïf pour ignorer que la torture est une institution de gouvernement semi-clandestine ?

Même si l’État ne la légitime pas ouvertement, la torture « est essentiellement le fait des États » [6].

« De plus la torture n’est pas une simple exaction localisée, elle est internationale ; des experts sont envoyés d’un pays à l’autre ; des écoles de torture justifient et enseignent les méthodes à employer ; des équipements modernes, conçus et utilisés pour torturer, font l’objet d’un commerce international. » [7]

L’éthique de la violence

Nous pouvons penser alors que la violence ne cessera d’exister que si nous – les hommes et les femmes d’aujourd’hui et de demain – sommes capables de construire une société non répressive. Dans le monde utopique de l’anarchie, la violence sociale sera le souvenir du désordre, la marque du vieux monde.

Mais l’anarchie n’est pas seulement l’utopie, elle est fondamentalement la négation des rapports de pouvoir existants et leur transformation dans un sens libertaire. Nous devons lutter dans cette société, ici et maintenant, « il n’y a pour nous ni ciel plus propice ni terre plus fertile ». La violence nous est imposée comme répression sociale d’abord, comme répression policière ensuite ; enfin, comme impératif inéluctable de la lutte. Parce que l’oppression de l’État et l’exploitation capitaliste sont les formes typiques de la violence organisée.

Évidemment, les considérations qui précèdent nous obligent à aborder un problème qui a été souvent posé à l’intérieur du mouvement anarchiste : l’éthique de la violence. Cette éthique inséparable de « ce terrible amour de l’humanité » qui anima « les justes », « les meurtriers délicats », avant que le terrorisme ne soit devenu « affaire d’État » avec ses bureaux, ses bourreaux et ses agents salariés.

Préoccupation angélique, la nôtre, franchement éloignée du quotidien du « bon peuple » préoccupé, lui, s’il a un toit et un boulot, par les misères, les larcins, la violence et l’insécurité des quartiers où sont relégués les pauvres de la ville, condamnés aux réflexes frileux d’une vie privatisée. Et, en plus, pour le moment, notre violence à nous anarchistes est tellement petite et dérisoire à côté de la violence ouverte ou clandestine des États, que notre éthique de la violence ne peut être qu’une clameur inaudible.

Mais nos valeurs et notre histoire – peut-être aussi notre futur – nous obligent : notre politique est foncièrement éthique.

On dit fréquemment que la violence est contraire à l’idéal anarchiste parce qu’elle introduit une contradiction fondamentale entre moyens et fins : l’utilisation de la force comme moyen pour obtenir la société libre et égalitaire est un contresens. Mais ici il y a une erreur catégorielle importante. Se libérer de l’oppression n’amène pas à la construction d’une société libre. Pour se libérer de la violence de l’oppression, l’utilisation de la violence est concordante avec cette finalité. Utiliser la force pour se libérer de l’oppression est une relation correcte et éthique entre moyens et fins.

Utiliser la force ou la violence pour construire une société de libres et d’égaux est une contradiction entre moyens et fins.

Si nous entrons dans le monde humain de la lutte, de l’action, de la décision, de la complexité et des passions, nous verrons que les deux niveaux de la libération et de la liberté s’entremêlent, se croisent, se chevauchent et, à la limite, se conjuguent.

Apparemment claire, l’éthique de la non-violence a un statut très ambigu. Si on postule la non-violence comme une valeur absolue, elle oblige à l’inaction, au cénobitisme religieux. On peut toujours violenter quelque scrupule, froisser quelque pudeur mais, plus sérieusement, on fait violence au tyran si on se rebelle, on fait violence au patron si on l’empêche de faire tourner son entreprise (nous avons déjà dit que la violence n’est pas une catégorie conceptuelle unifiée). Et comment faire la révolution sans violenter personne ?

Si on postule la non-violence comme une stratégie, on s’appuie sur la conscience morale de l’adversaire, c’est une sorte de chantage aux principes de l’autre. Elle ne fonctionne ni devant le pouvoir despotique ni devant la raison d’État.

C’est ainsi que le prêche qui condamne par principe la violence ne fait que légitimer le pouvoir institutionnalisé.

Rébellion et insurrection

Alors, « on a raison de dire que la violence et la révolution appartiennent plus au vieux monde qu’au nouveau, plus à l’autoritarisme bourgeois qu’à l’anarchisme prolétaire en ce qu’elles présupposent toujours l’existence de l’autorité contre laquelle se soulever et combattre ; et en ce que, d’un certain point de vue, elles-mêmes ont tendance à devenir une manifestation autoritaire » (Fabbri, 1928).

Mais si la violence est liée à la révolution, c’est parce que la révolution est liée à la société actuelle. C’est à l’intérieur du système capitaliste et étatique que se développe le mouvement révolutionnaire. Le problème est alors non pas celui de la violence en elle-même, mais celui de la légitimation de la violence.

La révolution oppose à l’ordre existant, à l’État capitaliste (État qui, poussé par la mondialisation du marché, est en train de modifier les bornes de l’État-nation), un projet, une image d’autres relations sociales, une stratégie du changement.

Mais l’utopie aussi fait partie du monde actuel, en tant que négation, certes, mais construite sur les mêmes bases historiques que l’imaginaire établi.La révolution est, fondamentalement, la contestation en acte du régime existant. Pour les révolutionnaires, la révolution n’est pas une idée abstraite, n’est pas le Grand Soir, ni un millénarisme, c’est un processus social, collectif, qu’il faut construire et mettre en place quotidiennement jusqu’à ce qu’on arrive au moment insurrectionnel et expropriateur qui interrompra la continuité existante.

C’est par rapport à ce « moment insurrectionnel » – qu’en réalité il faut concevoir comme un processus révolutionnaire décomposé en multiples faits qui seront reconnus comme « moment de la rupture » seulement dans l’après-coup de l’Histoire – que la violence acquiert un sens particulier dans le discours qui la condamne ou la légitime.

L’action violente abstraite, isolée du réseau des relations sociales dans lequel elle s’accomplit, ne peut être vue qu’à travers de vaines considérations moralistes : la méchanceté de la violence, le caractère sacré de la vie. D’accord, et parce que nous aimons la vie, nous ne renonçons pas à la lutte.

Dans la réalité sociale, dans la réalité de la lutte des classes, de l’oppression gouvernementale et patronale, ce qui différencie la violence révolutionnaire de la violence d’État, ce qui lui donne son caractère propre, ce n’est pas la caractéristique de l’acte violent en lui même, ni les significations attribuées par la manipulation spectaculaire marchande, ni le fait d’être individuel ou collectif. Ce qui le différencie est son inscription dans un projet de changement radical de la société, particularité que le disjoint aussi de la rébellion.

Le prototype de la violence révolutionnaire est la violence collective, l’action directe dans l’usine, la rue, l’action de masses qui disloque le pouvoir central et l’oblige à montrer sa véritable face : celle de la violence au service des privilèges, des fortunes et des hiérarchies.

Une autre forme de violence contre l’État est celle marquée par son caractère évident de réponse à la répression ouverte. Ce sont les exemples classiques du prétendu « terrorisme anarchiste », que les anarchistes ont toujours défendu comme valeur éthique et qui était en rapport avec une époque ou avec un certain type de société où la violence était personnifiée. Caserio exécuta Carnot parce qu’il était responsable de la persécution des anarchistes et du meurtre de Vaillant. Canovas del Castillo était le président du conseil de ministres ; il a été responsable des assassinats, supplices, tortures appliqués aux prisonniers de Montjuich. Angiolillo, exilé, travaillait comme typographe ; il décida de faire le voyage de Trafalgar Square aux bains de Santa Agueda et tua Canovas d’un coup de feu. Angiolillo est mort par le « garrote vil ». Et Gaetano Bresci, tisserand, quitta Paterson, New Jersey, pour retourner en Italie et venger les paysans fusillés par ordre du roi Umberto Ier. Il le tua à Monza. Et Alexandre Berkman qui attenta à la vie du négrier Frick, responsable de l’assassinat de onze ouvriers de la Carnegie Steel Company. Et Wilckens qui tua le massacreur des grévistes de la Patagonie... La liste est longue et, on peut le présumer, elle n’est pas close.

Dans le monde moderne, dans cette société capitaliste avancée, néo-libérale, de consommation spectaculaire et de pauvreté croissante, où la représentation officielle, l’imaginaire autorisé, acquièrent un poids et une inertie uniformisatrice, les formes de la violence répressive deviennent plus impersonnelles. Personne n’est responsable du système, on n’est pas responsable de sa soumission, on est responsable seulement de sa divergence.

Étonnant quand même qu’on ne demande jamais : « Pourquoi êtes-vous conformiste ? » Et on demande toujours : « Pourquoi êtes-vous révolutionnaire ? »

Eduardo Colombo