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MEXIQUE
Marée noire, violence paramilitaire à Copala
Article mis en ligne le 7 mai 2010

La vague de violence qui submerge actuellement le Mexique s’intensifie.
Mais, au-delà des gros titres et des photos sensationnalistes étalant
complaisamment d’innombrables cadavres (plus de 8 000 en un an), dont la
presse "officielle" nous abreuve jusqu’à l’écœurement, pour impressionner
et faire accroire que le gouvernement de Felipe Calderón, appuyé par celui
de Barak Obama, "fait la guerre au narcotrafic", il convient d’analyser
d’un peu plus près les causes de tels massacres, et les objectifs
poursuivis.

Les événements de Santa María Ostula, dans le Michoacán (voir notre
article sur Mediapart "Où est passé Francisco de Asís Manuel ?"), et ceux
de San Juan Copala, dans l’Oaxaca, montrent clairement la nature des
véritables enjeux de cette violence.

Les habitants de San Juan Copala, localité de la région triqui, dans
l’ouest de l’État de l’Oaxaca, ont créé en janvier 2007 une "municipalité
autonome", marquant ainsi leur décision de s’autogérer, face à un
gouvernement qui les a marginalisés, méprisés et spoliés depuis des
décennies. Mais cette attitude, liée à leur participation à la résistance
de l’APPO (Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca) lors de la "commune d’Oaxaca", leur vaut depuis un harcèlement brutal, mené par les polices locale, régionale et fédérale, mais aussi par des groupes paramilitaires et parapoliciers, impulsés par le Parti de la révolution institutionnelle, le PRI du gouverneur Ulises Ruiz Ortiz.

Enlèvements, viols et meurtres sont le prix payé par cette population en
résistance. Depuis plusieurs semaines, l’un des groupes paramilitaires,
l’UBISORT, bloque les accès à San Juan Copala, afin de tenter d’isoler ses
habitants. Une caravane est donc partie de la ville d’Oaxaca, le 27 avril,
pour rompre ce blocus et apporter à Copala médicaments, vêtements, livres
et appui moral d’associations solidaires, ainsi que la présence
d’observateurs des droits humains. Les paramilitaires, armés de fusils de
guerre, ont intercepté et mitraillé la caravane, tuant deux des
participants, la Mexicaine Alberta Cariño Trujillo et le Finlandais Jyri
Antero Jaakola, en blessant une quinzaine d’autres. Avant de libérer les
membres de la caravane, ils n’ont pas caché qu’ils agissaient sous la
protection du PRI et du gouverneur Ulises Ruiz.

Actuellement, le gigantesque rouleau compresseur de l’économie capitaliste
industrielle avance sur les derniers territoires qu’il ne contrôle pas
encore. Il s’agit pour lui de mettre la main sur l’ensemble des ressources
humaines et matérielles de la planète. Pétrole, uranium, or et métaux
rares, bois précieux, zones touristiques, énergie hydraulique et
biodiversité, groupes humains s’obstinant à vivre de façon autonome et
digne, tout doit tomber dans l’engrenage de la machine. Avec, parfois,
l’assentiment hébété ou la soumission apeurée d’une partie de la
population, subjuguée par le clinquant et la facilité apparente de la vie
aliénée que ce "développement" répand et impose partout.

C’est le drame qui se joue actuellement au Mexique. Marées noires,
bétonnage du littoral, contamination chimique et OGM, grippe porcine,
massacres entre narco-militaires et politico-gangsters ne sont que les
conséquences, mais aussi les armes employées par le système pour tenter
d’écraser définitivement les résistances paysannes et indigènes.

Alberta (Bety) Cariño était l’une de ces résistantes. En décembre 2009,
elle était à Mexico devant l’ambassade du Canada, pour dénoncer
l’assassinat d’un paysan du Chiapas, Mariano Abarca, par des
paramilitaires au service de l’entreprise minière Blackfire. Pour qui
comprend la langue espagnole, le document suivant donne une idée de la
personnalité et du combat de cette femme, abattue par l’Ubisort, sur la
route de San Juan Copala.

http://www.youtube.com/watch?v=TWPkLcoVoaI

Jean-Pierre Petit-Gras

Voir l’article sur mediapart :

http://www.mediapart.fr/club/edition/les-autres-ameriques/article/280410/mexique-ou-est-passe-francisco-de-asis-manuel


Une lettre de protestation destinée à l’ambassade du Mexique en France est en circulation :

Copie à télécharger

Collectif Caracol Marseille, le 29 mai 2010

c/o Mille Bâbords

61 rue Consolat

13001 Marseille

Monsieur Carlos de Icaza

Ambassadeur du Mexique en France

9, rue de Longchamp

75116 Paris

Monsieur l’Ambassadeur,

Nous souhaitons par la présente vous exprimer notre profonde préoccupation devant la nouvelle escalade de violence et de répression que subissent les communautés indigènes du Mexique.

Dans plusieurs États à forte composante indigène, les communautés qui ont choisi de vivre selon leurs coutumes traditionnelles sont physiquement agressées par des groupes paramilitaires qui semblent jouir de l’impunité, voire de la protection des autorités de l’État.

Nous nous permettons d’insister sur deux exemples récents, particulièrement graves. Sur la côte nahua du Michoacan, le 20 avril dernier, le président du commissariat aux biens communaux de Santa Maria Ostula, M. Francisco de Asis Verdia Manuel, a été enlevé par un groupe paramilitaire fortement armé. Plusieurs membres de cette communauté ayant déjà été enlevés et assassinés, on craint pour la vie et l’intégrité physique de M. Verdia Manuel.

Dans l’État de Oaxaca, le 27 avril, un groupe de paramilitaires a attaqué la caravane envoyée par plusieurs organisations sociales membres de l’Assemblée Populaire des Peuples de l’Oaxaca (APPO), dont l’objectif était de soutenir le municipe autonome San Juan Copala, assiégé et menacé par le mouvement UBISORT, lié au PRI. Plusieurs participants à la caravane ont été blessés par balle, deux ont été tués, parmi lesquels un observateur finlandais. Une enquête a été ouverte, mais quelle chance a-t-elle d’aboutir ?

Nous apprenons par ailleurs que les prisonniers politiques d’Atenco, Ignacio del Valle, Felipe Hernandez, Hector Galindo et Adan Espinosa risquent de nouvelles condamnations alors même que la Cour Suprême de Justice de la Nation doit prochainement se prononcer sur une révocation des condamnations pour lesquelles ils sont incarcérés depuis quatre ans dans la prison de haute sécurité de l’Altiplano. Ces condamnations, respectivement à 112, 67 et 31 ans de prison, sont absolument disproportionnées par rapport aux événements qui ont lieu dans le cadre d’une défense de territoire traditionnel.

Monsieur l’Abassadeur, vous ne devez pas ignorer que l’impunité garantie aux assassinats perpétrés par les groupes paramilitaires, et d’autre part l’acharnement judiciaire profondément irrationnel et injuste contre des mouvements de protestation sociale, sont en train de faire perdre définitivement au Mexique son statut d’État de Droit aux yeux de la communauté internationale. Les collectifs et individus signataires de cette lettre, profondément indignés par ces faits, expriment la plus grande colère et mettent tout en œuvre pour alerter la presse, l’opinion publique et les autorités de nos pays, afin qu’elles cessent de considérer le Mexique comme une démocratie où l’on respecte les droits humains.

Nous nous permettons donc de vous demander de transmettre notre indignation aux autorités fédérales du Mexique et de mettre tout en œuvre pour arrêter la violence paramilitaire contre les communautés indigènes ainsi que l’acharnement judiciaire contre les défenseurs de droits sociaux, humains et communautaires.

Veuillez agréer, Monsieur l’Ambassadeur, nos sincères salutations.

Organisations signataires :

Collectif Caracol de soutien aux communautés zapatistes ;