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Léo Ferré, quinze ans (1916-1993)
Article mis en ligne le 20 novembre 2009

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« Ferré » (du latin ferrum, le fer) : qui est garni d’une pièce
de fer. Aussi bien « Ferrer » (du latin ferrare), munir d’une
garniture de fer. Le fer, les fers, entraver, enchaîner. Déchaîner,
se déchaîner, déferrer et s’enferrer. Sans Ferré ?

Mais encore, « être ferré » : connaître, maîtriser une question.
Une question qui peut traverser la musique, l’individu ou
l’amour, une question qui peut convoquer l’animal, la poésie ou
l’anarchie.

Déplacement et ligne de fuite, promesse d’horizon de la voie
ferrée, chemin de fer qui conduit vers une destination, rêvée ou
improbable. Prendre la route ferroviaire, accompagné d’une
chienne à trois pattes, d’une guenon émancipée, d’un cheval
fourbu, voyage vers la mémoire, destination la mer. Ferré
réhabilite des idées éternellement neuves mais constamment
mises sous l’éteignoir, par un système épuisé, car elles traînent,
en elles, le sens de l’inconvenant, l’odeur de l’irrécupérable, le
goût de la provocation.

Jaunâtre, l’eau ferrée a servi à faire rouiller une pièce de fer. La
croyance populaire, celle des pauvres gens, considère que l’eau
ferrée est une bonne médecine pour requinquer les anémiés. Les
eaux ferrées. Léo Ferré pour relancer les énergies.

Ferré l’homme. Descendre dans la rue ? D’abord, revenir dans
sa tête, retourner son quotidien comme un gant, révolutionner
ses habitudes, se débarrasser des dieux et des maîtres pour mieux
se garder, se regarder. Se mettre en conformité en soi-même.
S’opposer à la dilution ravageuse dans le collectif. Rester fraternel,
juste inverse du bocal compétiteur dans lequel la tête est plongée
dès l’enfance. La révocabilité comme principe fondateur
bousculant la fossilisation des représentations encrassées. La
pensée critique contre le verbe autoritaire des petits maîtres,
moraline étriquée, qui s’évertuent à diriger nos vies. La pensée,
« raison d’espérer de l’anarchiste et du poète. » (La Sorgue)
Ferré le verbe et la musique. Parenté Gainsbourg, Higelin,
Thiéfaine, Bashung. Convives au banquet des poètes solitaires.
Artificiers de salves harmoniques. Hurleurs de mots trempés au
vitriol. « Il n’y a plus rien à attendre du poète muselé, accroupi et
content dans notre monde » (Préface). Ferré qui virevolte entre
intimité et démesure, du mot émacié à la phrase fluviale. L’art du
contre-pied pour émanciper la portée musicale du caporalisme
ambiant. Rutebeuf et Ravel pour tous.

Ferré la révolte. Des signes depuis longtemps visibles, pour qui
sait regarder. Le Grand Ferré, déjà, participant en 1358 à la révolte
des jacques de Picardie. Renommé pour sa lutte contre
l’envahisseur anglais l’année suivante, le boutant la hache à la
main, en étranglant plusieurs dizaines. Mort, selon la tradition
populaire, en buvant de l’eau froide après un âpre combat mené
bien que fiévreux. Plus encore, Théophile Ferré, Communard,
membre avec Louise Michel du Comité de vigilance du
XVIIIe arrondissement. Fameux Comité qui prit d’assaut, la nuit
du 17 au 18 mars 1871, la butte Montmartre. Ferré tint le 28 mai,
avec Varlin et une poignée, la dernière barricade rue du Faubourg
du Temple. Condamné à mort, le 2 septembre, exécuté le
28 novembre.

M. Perraudeau




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