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Pierre Sommemeyer
Le passage du siècle
un nouveau monde, une nouvelle guerre
Article mis en ligne le 13 novembre 2008

par *
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Durant les jours qui suivirent les vacances de l’été
1989, les rues des principales villes d’Allemagne de l’Est
bruirent de discussions, réunions, manifestations. Tout
cela aboutira à une poussée formidable contre le Mur, ce mur qui
coupait la capitale allemande en deux mais aussi qui l’isolait du
reste du monde. Le mur qui tombe marque la fin de Berlin-
Ouest, la fin d’une île au milieu d’un monde totalitaire. Quand
quelques mois après, la RDA existant encore, je traverse en voiture
Check Point Charlie profitant de ce qu’un Vopo1 ferme les
yeux, j’arrive dans un monde arrêté. Il est alors facile de se gausser
de cette société qui ne sait pas encore, quatre mois après l’ouverture
du mur qu’elle vient de basculer dans la modernité. Dans
cette voiture, nous sommes alors tout aussi peu conscients que
nous venons de sortir du XXe siècle. Le face à face qui a marqué
les cinquante dernières années vient de se terminer avec la
déconfiture d’un des deux camps. L’équilibre est rompu, cet équilibre
même qui nous a permis de vivre en paix, paix armée certes
mais qui a écarté de nous la folie nucléaire.

Sept ans après, presque mois pour mois, la chute des deux
tours signifie au monde tout entier qu’une nouvelle guerre vient
d’être déclarée. Le traumatisme qui en découle est semblable
à celui qui plongea les États-Unis dans la Seconde Guerre
mondiale, le bombardement surprise de Pearl Harbor en
décembre 1942. Mais en plus d’une guerre, cette chute indique
qu’un deuxième camp vient d’apparaître.
Les historiens pourront débattre pour
décider laquelle de ces deux dates
marque le début du XXe siècle. Pour nous
libertaires, nous savons que la chute du
Mur annonçait la fin de l’affrontement
avec l’idéologie communiste, la fin du
mensonge déconcertant. Nous sommes
aujourd’hui seuls sur un champ de
ruines. Le siècle des révolutions vient de
se terminer. La Commune de Paris, les
soviets de Petrograd de 1905 comme ceux
de 1917, la révolution allemande de
1917-1918 accompagnée de celle de
Bavière et de Hongrie, la Commune de
Canton, la Révolution mexicaine, celle
d’Espagne, ont marqué la première partie
du XXe siècle, comme notre imaginaire,
de manière indélébile. La révolte de
Potsdam dans l’Allemagne communiste
de 1953, les conseils hongrois de Budapest
en 1956, le printemps polonais, l’insurrection
tchécoslovaque et le joyeux
mai 1968 nous ont tout à la fois désespérés
et enthousiasmés.Tout semblait possible.
Nous n’avions pas oublié le reste
du monde. Nous avions vibré à la décolonisation.
Nous avions refusé de participer
à la guerre d’Algérie, nous avions
manifesté pour la paix au Vietnam, nous
avions pensé souvent à Mandela et à
l’Apartheid. Certains ont même prédit un
possible révolutionnaire à travers ces
mouvements nationalistes.

Mais, aujourd’hui, nous ne pouvons
être que d’accord avec l’affirmation de
Claudio Albertini 2 disant :
« Il est clair que le modèle soviétique
ouvre et ferme, à la fois, l’espace des
révolutions du XXe siècle. »
Comme lui, nous pouvons dire que
« son échec n’est d’ailleurs pas sans rapports
avec le surgissement du nouvel
ordre mondial ». C’est cette nouvelle
organisation du monde qu’il nous faut
interroger.

La redistribution
des cartes commence

L’empire soviétique s’est effondré, disloqué,
dissous. Son organisation particulière
s’est évanouie dans son échec
évident. La nature bimillénaire du régime
russe a repris le dessus.Poutine a endossé
l’héritage tsariste et règne sur la Russie de
façon traditionnelle, dans la violence et
dans le sang. La guerre de Tchétchénie est
là pour rappeler au reste de la communauté
russe et russophone jusqu’où il ne
faut pas aller trop loin. La Biélorussie,
l’Ukraine, les républiques d’Asie centrale
et orientale, hormis peut-être la petite
Géorgie, resteront bon gré mal gré sous le
parapluie russe.
Plus au sud, la Yougoslavie a éclaté
dans le sang et l’effroi, dernier endroit en
Europe où des crimes contre l’humanité
auront été commis et ne cessent d’être
jugés.

De cette redistribution, l’Europe occidentale
est sortie renforcée. Elle n’est
plus occidentale, et elle est devenue sans
avoir l’air d’y toucher un nouveau géant
politico-économique. Lentement, très
lentement, trop pour certains, elle agrège
autour d’elle des pays qui tout à la fois
fuient l’influence russe, prenant une
revanche sur un passé encore récent, et
sont en recherche d’un Eldorado économique.
Il y a aujourd’hui plus de pays où
la monnaie principale est l’euro que de
pays dans l’Europe des vingt-cinq. En
Afrique même, la zone CFA bascule dans
la zone Euro ; insensiblement, la monnaie
européenne devient la devise de fait sans
que la décision officielle soit prise.

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