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Les villes invisibles
Rafaëlle Gandini Miletto
Article mis en ligne le 18 novembre 2020

LES VILLES INVISIBLES

Rafaëlle Gandini Miletto

Dans la somme de Neil Gaiman intitulée Sandman et vouée à l’exploration des rêves, le premier volume de la série « La Fin des mondes » comprend le récit encadré d’une autre histoire, Un conte de deux villes. Ce conte décrit l’incursion involontaire d’un badaud dans le rêve de sa ville, un espace parallèle et familier, hypnotique, dont il finira par sortir après des mois passés à arpenter les rues infinies. Il quitte alors sa ville et trouve refuge dans un hameau isolé. « Vous avez peur de retourner un jour dans les rêves de la ville ? » lui demande-t-on. « Si la ville rêvait », répond-
t-il,

« c’est que la ville dort. Et je n’ai pas peur des villes qui dorment, étalées inconscientes au bord de leurs fleuves […]. Les villes qui dorment sont des créatures dociles et inoffensives. Ce que je crains, c’est qu’un jour les villes s’éveilleront. Ce jour-là, les villes se soulèveront. » [1]

Si la ville est une créature vivante, ces photographies sont ses peaux mortes. Des espaces inutiles, désertés, entre deux façades neuves, dans un centre-ville animé : de petites ruines, presque cachées, encore vivantes, par où la ville respire ou cherche à respirer, car l’intervention humaine qui bâtit sur les terrains vagues condamne également ces espaces. Dans le film Medianeras de Gustavo Taretto, sur des multiples prises de vue de Buenos Aires, une voix masculine lie destinée humaine et plan d’urbanisme, « irrégularités esthétiques et éthiques ». Elle parle des immeubles qui se succèdent sans aucune planification, des constructions toujours plus petites, des différences que creusent le fait d’habiter l’escalier A ou le D, de vivre en haut ou en bas, dans un cinq-pièces ou un studio. Son jugement est sans appel :

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