MATCH DROIT AU LOGEMENT CONTRE DROIT DE PROPRIÉTÉ : LE K.-O., C’EST POUR BIENTÔT ?
Jean-Jacques Gandini
« Ceux qui suivent avec attention le mouvement des esprits chez les travailleurs ont dû remarquer qu’insensiblement l’accord s’établit sur une importante question : celle du logement. Il y a un fait certain : dans les grandes villes de France et dans beaucoup de petites, les travailleurs arrivent peu à peu à la conclusion que les maisons habitées ne sont nullement la propriété de ceux que l’État reconnaît comme leurs propriétaires. C’est une évolution qui s’accomplit dans les esprits et ne fera plus croire au peuple que le droit de propriété sur les maisons est juste. La maison n’a pas été bâtie par le propriétaire, elle a été construite, décorée, tapissée, par des centaines de travailleurs que la France a poussé dans les chantiers, que le besoin de vivre a réduit à accepter un salaire rogné. L’argent dépensé par le prétendu propriétaire n’était pas un produit de son propre travail. Il l’avait accumulé, comme toutes les richesses, en payant aux travailleurs les deux tiers ou la moitié seulement de ce qui leur était dû. Enfin, et c’est surtout ici que l’énormité saute aux yeux : la maison doit sa valeur actuelle au profit que le propriétaire pourra en tirer. Or ce profit sera dû à cette circonstance que la maison est bâtie dans une ville pavée, éclairée au gaz, en communication régulière avec d’autres villes, et réunissant dans son sein des établissements d’industrie, de commerce, de science, d’art ; que cette ville est ornée de ponts, de quais, de monuments d’architecture, offrant à l’habitant mille conforts et mille agréments inconnus au village. » [1]
Pierre Kropotkine
Si le style de Kropotkine peut apparaître quelque peu daté, son argumentaire – en résonance avec la situation de classe de la France du dernier quart du XIX e siècle –, sur la question
du logement à découpler complètement du droit de propriété, reste d’une criante actualité à l’heure des expulsions massives de logements, du phénomène « squat » qui prend de l’ampleur, avec la gentrification accélérée des quartiers populaires et la spirale de la spéculation immobilière. Le droit au logement doit donc être considéré comme un droit absolu, l’emportant sur le droit de propriété, droit relatif, loin des idées préconçues sur le caractère « sacré » de ce dernier.
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