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Pierre Sommermeyer
La fin des temps
Article mis en ligne le 21 novembre 2007

par *
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Il était une fois un homme qui avait la langue
bien pendue. On disait de lui qu’il se mêlait de
choses qui ne le regardaient pas, que c’était un
donneur de leçons, en bref il s’était rendu
insupportable à son entourage. Celui-ci décida de
s’en séparer. Certains de ses proches connaissaient
des trafiquants de main-d’œuvre. Il fut vendu à ces
gens, charge à eux de le revendre le plus loin
possible. Ce fut le responsable du harem d’un grand
roi qui l’acheta comme esclave. Cet esclave,
appelons-le Joseph, comprenant qu’il était piégé,
décida de jouer le jeu. Il utilisa son agilité
intellectuelle pour se faire une place dans la société
de ce pays. Le roi, reconnaissant ses mérites, l’établit.
Joseph fonda une famille, eut des enfants qui eurent
des enfants et ainsi de suite pendant longtemps. Les
descendants de Joseph formèrent un peuple
nombreux, à l’intérieur du peuple originaire de ce
pays.

Un jour le roi changea, et celui-là n’avait jamais
entendu parler de Joseph et donc ne lui devait rien.
Quelque temps après, le nouveau pouvoir entreprit
de grands travaux. Il lui fallait de la main-d’œuvre,
nombreuse et à bas prix. Les chantiers s’ouvrirent et,

Un jour, une femme qui travaillait
aux cuisines du chantier devint
enceinte. Elle accoucha
clandestinement ; ne pouvant garder
l’enfant, elle l’abandonna. Une femme
du pays, d’une famille aisée, qui ne
pouvait avoir d’enfant, le trouva par
chance, l’amena chez elle, et l’éleva
comme son fils. Bientôt, l’enfant
devenu jeune homme se rendit compte
du dédain qu’il provoquait dans son
entourage. Prenant conscience de ses
origines, il alla visiter ceux qui
pouvaient lui ressembler. Ce fut un
choc. L’injustice faite à ceux qu’il
considérait comme sa famille d’origine
le révolta. Eux ne l’avaient pas attendu.
Les grèves avaient succédé aux grèves.
Certains étaient même allés jusqu’au
terrorisme. Les riches du pays étaient
menacés dans leurs familles. Le jeune
homme commença à faire de la propagande
pour sortir ses frères et sœurs de
cette situation. Comme il avait appris
beaucoup de choses à l’école, il fut
écouté. De fait, c’était un intellectuel.
Devant les troubles qui résultaient de
cette agitation, le pouvoir dut prendre
une décision. Il ne pouvait se défaire
brutalement de ces gens, un peu de
répression ça va, beaucoup ça fait
mauvais genre et cela pourrait avoir des
conséquences fâcheuses sur les autres
chantiers qui naissaient dans tout le
pays.

Le leader des travailleurs fut
convoqué et on lui mit dans les mains
le marché suivant : soit on vous casse
quel que soit le prix qu’il faudra payer,
soit vous partez clandestinement, de
préférence la nuit, et on ferme les yeux.
Issu du monde du pouvoir, sachant ce
dont ses représentants étaient capables,
le jeune homme fit son choix. Il
demanda un délai pour présenter la
chose à ses amis. Il le fit en ces termes :
« Il faut partir, les choses ne
s’amélioreront pas, au contraire. Si
nous partons, nous pourrons
reconstruire ailleurs une société
meilleure où nous vivrons en paix. Une
société où il n’y aura pas de pouvoir
central, pas d’impôts, pas d’armée, pas
de travaux forcés et pas de police. »

Ils
tombèrent tous d’accord, et une nuit,
s’étant chargé chacun d’un baluchon,
d’un peu de pain qui dans la
précipitation n’avait pas eu le temps de
lever, ils fuirent. Si le pouvoir central
ferma les yeux, la police des chantiers
ne suivit pas cet exemple. Elle courut
après eux pour les rattraper. Il y eut
bataille. Poussés par le désespoir,
hommes et femmes se battirent et
défirent cette police qui au fond n’était
capable que de battre des hommes sans
défense. Et la fuite commença ; un long
exode eut lieu vers une nouvelle société
où couleraient le lait et le miel. Et un
jour la terre promise fut atteinte et ce
fut le début de notre histoire [1]

Notes :

[1On peut lire une autre version de cette
histoire dans la Bible, Genèse 37, Exode 1 à 14.L’historicité de cette histoire n’a pas beaucoup
d’importance. Il faut cependant reconnaître la
place déterminante qu’elle tient dans
l’imaginaire chrétien et particulièrement
protestant. La promesse de la terre promise
sous-tend la revendication d’une meilleure
comme les gens du cru n’étaient pas
très chauds pour se salir les mains, ce
furent les immigrés de la deuxième ou
de la troisième génération qui se
présentèrent. Acceptés, ils se mirent au
travail. Il fallut de plus en plus de
main- d’œuvre, le travail était de plus
en plus dur, les mauvais traitements
prirent de plus en plus d’ampleur.
Devant le risque de fuite de ces
ouvriers, le ministre du moment décida
de transformer cette population en
esclaves.




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