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L’état d’urgence, seconde nature de l’État
Jean-Jacques Gandini

Les attentats du 13 novembre 2015, par leur violence et leur soudaineté, ont mis le pays en état de choc avec un effet de sidération qui va continuer à s’exercer. Une telle situation doit-elle pour autant entraîner la mise en place de mesures exceptionnelles ? Entre droits fondamentaux et sauvegarde de l’ordre public, l’état d’urgence c’est le déséquilibre revendiqué au profit de la sauvegarde de l’ordre public. Nous sommes dans la violence d’État.

Article mis en ligne le 29 juin 2018
dernière modification le 15 septembre 2018

Ce texte est paru dans le numéro 5, juin 2017, de la revue Les Utopiques – Solidaires.

« Sans le garde-fou des grands principes généraux édictés par la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, le droit se réduit à un outil technique permettant de construire un édifice légal en fonction de l’Idée établie de ceux qui nous gouvernent, et peut donc être mis au service du pire. » C’est ce que démontre ici Jean-Jacques Gandini en reprenant dans le détail les mesures liberticides instaurées par l’état d’urgence, cinq fois renouvelées depuis novembre 2015 ; état d’urgence qui institutionnalise un État d’exception permanent…

Avocat de 1976 à 2016, Jean-Jacques Gandini milite au sein du Syndicat des avocats de France, dont il a été vice-président de novembre 2011 à novembre 2012 puis président les deux années suivantes. Il est aussi membre, notamment, de la Ligue des Droits de l’Homme et du collectif de rédaction de la revue Réfractions.

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L’état d’urgence, seconde nature de l’État

par Jean-Jacques Gandini

Les attentats du 13 novembre 2015, par leur violence et leur soudaineté, ont mis le pays en état de choc avec un effet de sidération qui va continuer à s’exercer. Une telle situation doit-elle pour autant entraîner la mise en place de mesures exceptionnelles ? La réponse du président de la République a été immédiate : « Il s’agit d’actes de guerre contre la France et ses valeurs. » Et en une semaine seulement, se fondant sur la loi du 3 avril 1955, il a présenté au Parlement une loi relative à l’état d’urgence », votée le 20 novembre à la quasi-unanimité, avec prorogation de l’état d’urgence pour trois mois à compter du 26 novembre, soit jusqu’au 26 février 2016, à nouveau pour trois mois jusqu’au 26 mai, puis une troisième fois jusqu’au 26 juillet1, faisant de la police le maître du jeu.

Dans la foulée, les autorités ont informé le secrétaire général du Conseil de l’Europe que les mesures adoptées étaient « susceptibles de nécessiter une dérogation à certains droits garantis par la Convention Européenne de Sauvegarde des Libertés et des Droits de l’Homme », ce que permet son article 15. « L’état d’urgence, c’est la suspension de l’autorité judiciaire », rappelle l’avocat Henri Leclerc, ancien président de la Ligue des droits de l’Homme. Entre droits fondamentaux et sauvegarde de l’ordre public, l’état d’urgence c’est le déséquilibre revendiqué au profit de la sauvegarde de l’ordre public. Nous sommes dans la violence d’État.

Etat d’urgence et état de droit tendent de plus en plus à se superposer. Le premier est en train de devenir la seconde nature de l’autre. Il nous faut nous rendre à l’évidence : sans le garde-fou des grands principes généraux édictés par la Déclaration universelle des droits de l’homme, le droit se réduit à un outil technique permettant de construire un édifice légal en fonction de l’idée établie de ceux qui nous gouvernent, et peut donc être mis au service du pire. L’ordre du discours juridique nazi. Oui, la loi peut autoriser les plus grands crimes. À nous de faire en sorte que ce ne soit pas le cas, ici et maintenant

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