L’idée de cet article est partie d’un événement presque banal de
la vie militante : un contrôle d’identité au cours d’une table de
presse dans la rue. L’infraction fut « occupation illégale du
domaine public ».
D’où une première interrogation, qu’est-ce que ce « domaine
public » ?
En droit public français, le domaine public, ce sont des biens
(espaces physiques ou meubles) appartenant à des collectivités
administratives et à des établissements publics, lorsqu’il sont mis à la
disposition directe du public usager. Donc, dans le cas de cette table de
presse, l’État ne permet pas au public d’utiliser librement cet espace, il
se conduit comme tout propriétaire, autorisant ce qui lui convient et
exigeant qu’on lui demande une autorisation.
Cet état de fait se vérifie pour maintes activités de rue.
La musique, par exemple. Une fois par an, et une seule, il est possible
de jouer librement, lors de la Fête de la musique. Ou encore les
manifestations pour lesquelles il faut déposer une demande
d’autorisation en préfecture, et par la même occasion donner trois
noms de « responsables » aux autorités. Et il ne s’agit pas que d’une
préservation de l’ordre public, concept censé protéger les autres usagers
de cet espace. Une table (de presse, par exemple) qui occupe 80 cm au
sol ne trouble pas cet ordre public, mais elle est sur la propriété de l’État
qui ne souffre pas que l’on utilise son bien sans son aval.
L’expérience du collectif RATP (Réseau pour l’Abolition des
Transports Payants) lors de ses actions « Trottoirs payants » est
intéressante de ce point de vue. Pour sensibiliser la population à
l’aberration que représente le fait de payer les transports publics, ce
collectif a plusieurs fois barré une rue et informé, tract d’information à
l’appui, la population que dorénavant cette rue serait payante pour les piétons. En discutant, de cette action avec
un des participants, il ressortait que ce
qui l’avait le plus marqué, choqué même,
c’est la proportion de personnes trouvant
normal de s’acquitter d’un péage et
justifiant elles-mêmes ce dernier par
l’entretien des rues, l’éclairage, le
nettoyage, etc. Comme si l’idée d’être sur
la propriété de l’État était profondément
ancrée. Idée sûrement issue d’une
confusion entre espace public (au sens de
lieu accessible, utilisable par tous),
domaine public (au sens de propriété de
l’État) et domaine privé (propriété
privée).
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