Vingt morts, les uns emblématiques, les autres ordinaires. Vingt morts et des scènes de guerre dans un pays qui semblait bien éloigné de toute ligne de front. vingt morts à qui l’« on » célèbre des morts bien différentes. il y a les meurtriers et leurs raisons, les inconnus, morts collatéraux et les célèbres. ces derniers sont en tête et dans la tête de tous les cortèges, ils incarnent la liberté de parole assaillie, bafouée, menacée. parmi les autres, il y en a quatre dont le sort dérange, ils n’étaient pas partie prenante dans l’histoire. ils n’étaient pas de la police nationale ou municipale. en allant faire leurs courses, ils étaient bien loin de penser qu’ils ne rentreraient pas chez eux les bras chargés de victuailles. ils sont morts parce qu’ils étaient juifs. ceux-là comme les treize autres sont les victimes d’un acte de terrorisme, conçu, inspiré, perpétré, à la fois bien loin et ici. cet acte a été un succès. dans les jours qui ont suivi une déferlante de décisions, proclamations, cris d’effroi ont submergé la France. pour peu que notre voisin soit un peu ou beaucoup bronzé il devenait un terroriste potentiel, surtout s’il avait 8 ou 9 ans. des militaires, fusil d’assaut aux poings, arpentaient les trottoirs de nos villes. pour ceux qui comme moi ont vécu la guerre d’Algérie, une certaine puanteur commençait à apparaître.
Le terrorisme c’est la guerre ! Beaucoup d’analyses ont été faites à ce propos. certains ont parlé de guerre des pauvres contre les riches, d’autres de guerre révolutionnaire ou de guerre asymétrique. qui fait la guerre à qui ? ce qui est clair dans la guerre qui nous concerne actuellement, c’est qu’elle n’a pas été déclarée. il ne s’agit pas d’une opposition entre deux nations. comme pour beaucoup de conflits elle a des origines bien lointaines qu’on peut dater de l’intervention soviétique en Afghanistan qui se termine en 1989 et signe de fait la fin de l’union soviétique. à partir de ce moment, ce que l’on peut appeler l’islamisme radical devient le nouveau vecteur international portant le vent du changement dans des pays dits musulmans, qu’ils soient laïques ou pas. avant l’attentat contre les twin towers il y eut la sale guerre civile algérienne que la France regarda de loin sans trop y croire. l’intervention des usa avec g.w. bush sonna la fin de la stabilité des états moyen-orientaux. aujourd’hui, il n’existe plus une frontière stable sur cet arc qui va de la Turquie au Nigeria africain en passant par la somalie. tout ce qui avait succédé au traité de sèvres (1920) comme à la décolonisation est en ruine. seul surnage le discours révolutionnaire appelé « islamisme radical » qui se nourrit à la fois de l’islam traditionnel et de la misère et de l’humiliation des populations auxquelles il s’adresse. son ennemi est ce monde qui l’oppresse, à la fois chrétien, juif, féministe, homosexuel, laïcard, capitaliste, etc. les populations concernées se trouvent à la fois au moyen-orient ou en Afrique comme dans nos villes et banlieues. poser l’origine sociale des acteurs terroristes comme explication de leurs actes, en une espèce de fausse justification, est une erreur. d’aucuns ont fait cela à propos de Hitler dont l’enfance n’avait rien à envier à celles des frères Kouachi et de Coulibali. la prédestination n’existe pas sauf en théologie. il faut au moins respecter ce qui reste de libre arbitre chez ces gens. aujourd’hui, la guerre entre les puissances de ce monde, dont la France, et l’islamisme radical est ouverte. dans un monde repu, l’engagement radical est la seule respiration possible pour des jeunes en quête d’absolu comme on l’est autour de la vingtaine. pour certains, c’est le djihad, pour d’autres ce sont les squats, l’autonomie, notre-dame-des-landes et les ZAD à venir. anarchiste, je me reconnais dans ces derniers malgré certains désaccords ; anarchiste, j’ai peur de ceux qui partent rejoindre un quelconque califat.