Réfractions, recherches et expressions anarchistes
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Charlie, un défi à l’impuissance
Annick Stevens
Article mis en ligne le 30 avril 2015
dernière modification le 24 mai 2017

par webmestre
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Le 7 janvier 2015 a été, pour le collectif de réfractions, le début d’échanges intenses où se sont exprimés à peu près tous les sentiments et toutes les tentatives d’analyse que l’on a pu lire par ailleurs dans les textes innombrables qui ont circulé dans la presse et sur le net. Avions-nous un point de vue différent en tant qu’anarchistes ? Ce ne semblait pas être le cas, en tout cas au début, où nous partagions avec tout le monde la stupeur, la tristesse, l’indignation, et avec les gens de gauche la dénonciation des conditions sociales, économiques et politiques qui fabriquent des révoltés violents, ainsi que l’inquiétude vis-à-vis des réactions prévisibles de la population (animosité antimusulmans) et de l’État (renforcement des mesures anti-terroristes, appel aux valeurs nationales, dérives sécuritaires et ethnocentristes). L’ampleur sans précédent des réactions populaires, dans un monde soumis quotidiennement aux massacres et exécutions sommaires, pose la question de comprendre ce que cet événement avait de spécifique pour motiver une telle démonstration d’émotions.

Plusieurs d’entre nous ont participé aux manifestations, d’autres n’ont pas pu ou pas voulu, mais aucun ne les a condamnées. D’après ces témoignages et bien d’autres, il semble qu’une partie importante des manifestants n’était pas dupe des tentatives de récupération par le gouvernement ni réjouie de se trouver aux côtés de chefs d’État champions de l’oppression des libertés. La compassion et la solidarité ont certainement été parmi les moteurs principaux des grands rassemblements. C’est ce qu’exprime d’abord le slogan « Je suis Charlie » : je me mets à la place des personnes assassinées, j’éprouve ce qu’elles ont éprouvé, je suis atteint par ce qu’elles ont subi comme si cela m’était arrivé à moi. Ensuite, « Je suis Charlie » veut dire aussi : « Je ne veux pas vivre dans un pays où l’on peut être tué pour ses idées », je veux que l’œuvre de Charlie Hebdo se poursuive, que d’autres reprennent le flambeau. Certes, la plupart des gens qui ont manifesté pour défendre la liberté d’expression ne l’utilisent pas eux-mêmes. Ils ont bien sûr des opinions, ils en discutent peut-être avec leurs proches, mais ils ne les expriment pas publiquement et donc risquent très peu d’attirer l’attention au point d’être tués pour elles. Mais il est extrêmement précieux pour tous que ceux qui le désirent puissent exprimer publiquement leurs critiques, aussi radicales soient-elles, de n’importe quel aspect de la société. En ce sens, ces manifestations sont rassurantes quant à la disposition critique de la population en général. Par ailleurs, la tentative d’associer au « Je suis Charlie » un « Nous sommes la France » a eu très peu de succès, et le fait même d’avoir évité le pluriel « Nous sommes Charlie » est révélateur d’un refus de constituer un bloc identitaire opposé à un autre bloc désigné comme l’ennemi : le « je » permettait l’appropriation individuelle, chacun pouvait y mettre ce qui lui était propre tout en acceptant que les autres y mettent autre chose. Il est clair cependant que ces mêmes personnes n’ont pas manifesté pour d’autres assassinats d’opinion, pour d’autres libertés d’expression opprimées. On peut essayer de comprendre pourquoi. Il est rare qu’un massacre d’une telle ampleur, sans rapport avec les motivations habituelles du gangstérisme, se passe si « près de chez nous ». Les assassinats de journalistes, de syndicalistes, de militants des droits de l’homme sont monnaie courante dans de nombreux pays où règne une violence endémique, sur lesquels nous avons désespéré d’avoir la moindre influence. Mais ici, du moins, il semble qu’il soit encore possible d’agir pour empêcher


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