Réfractions, recherches et expressions anarchistes
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Une réalité qui bouscule les certitudes
Daniel Vidal
Article mis en ligne le 30 avril 2015
dernière modification le 24 mai 2017

« Moi j’crache dedans, et j’crie bien haut, que le bleu marine me fait gerber… » Renaud, Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ? 1980.

2014, dans un magasin d’articles de sports à Nîmes. Annoncée à grands renforts de publicité, une liquidation avant travaux attire de nombreux acheteurs, dont moi. Trois caissières tentent d’absorber les files d’attente. Des responsables du magasin organisent la gestion de la crise. Mal. Une voix se fait entendre non loin de moi, dans la file d’à côté : « On n’est plus chez nous ! » Un petit bout de femme toise le public qui prend son mal en patience... Sa phrase n’a fait réagir personne. Elle recommence : « On n’est plus chez nous ! » Même accueil glacial mais gêné de la foule. Ceux qui sont visés par la phrase imbécile, répétée, ne réagissent pas plus que les autres. Au lieu de reprocher à la direction du magasin les moyens insuffisants mis en œuvre pour accueillir les nombreux clients, cette femme préfère donner libre cours à son mépris. Elle détourne une frustration pour en exprimer une autre. Mais cette femme l’assume, en public, et seule, sûre d’elle.

Cette situation a lieu avant les tueries de janvier 2015 à Paris. On reçoit en boucle les messages de l’avancée du FN dans toutes les enquêtes d’opinion, en même temps que la chute continue de l’estime pour le gouvernement. La dégradation des relations sociales est palpable dans une ville où des gens inconnus sur une liste du FN raflent la deuxième place lors des municipales de 2014 à Nîmes. C’est un choc, pas une surprise, mais un choc. Le dimanche de la manifestation « Je suis Charlie », toujours à Nîmes, deux dames âgées discutent dans le hall désert d’un cinéma du centre ville. Elles expliquent leur absence à la manifestation pourtant massive : « Je ne soutiens pas Charlie Hebdo, ils exagèrent, ils sont allés trop loin. » L’autre rétorque alors en lui parlant d’une théorie du remplacement que les terroristes, à Paris, auraient commencé à appliquer par leur action criminelle…