30 ans après, (re)lire Backlash de Susan Faludi


Texte inédit pour le site de Ballast

Au début des années 1990, l’u­ni­ver­si­taire éta­su­nien Allan Bloom com­pare sa situa­tion à celle des réfu­giés du Cambodge : les explo­sions de bombes, ce sont cette fois les fémi­nistes qui auraient pris le contrôle du monde uni­ver­si­taire… À l’époque, les femmes occupent pour­tant 10 % seule­ment des chaires du pays — et, dans la dis­ci­pline de l’in­té­res­sé, la phi­lo­so­phie, ne sont à l’o­ri­gine que de 2,5 % des publi­ca­tions. Comment com­prendre pareille réac­tion ? C’est à cette tâche que s’at­telle Susan Faludi dans son ouvrage phare Backlash, paru en 1991. Celui-ci décrit et ana­lyse les mobi­li­sa­tions hos­tiles qui, aux États-Unis, ont alors sui­vi l’af­fir­ma­tion du mou­ve­ment fémi­niste. Alors même que la situa­tion du début des années 1990 reste pro­fon­dé­ment inéga­li­taire, l’é­man­ci­pa­tion des femmes qui se pro­file est en elle-même une pos­si­bi­li­té insup­por­table pour les par­ti­sans de l’ordre social en place. S’ensuit une réac­tion vio­lente : un « back­lash ». ☰ Par Rafaëlle Gandini Miletto


En fran­çais, on tra­duit « back­lash » par « contre­coup », soit la réper­cus­sion d’un choc : une consé­quence natu­relle, iné­luc­table, un écho plus léger que le coup ori­gi­nel, une petite résis­tance. L’ouvrage Backlash de Susan Faludi est l’histoire d’un contre­coup, celui de la réac­tion à l’avancée du fémi­nisme des années 1970 aux États-Unis1. Un contre­coup redou­table pour un petit coup bien modé­ré. Un contre­coup qui a écra­sé le fémi­nisme, en a fait une insulte pour long­temps — qui l’a fait réson­ner, aus­si, dans des invec­tives hai­neuses et des plai­san­te­ries crasses.

« Toute l’en­tre­prise de Backlash peut être lue comme la décons­truc­tion des idées reçues anti­fé­mi­nistes qui nous imprègnent. »

Le pro­pos de Susan Faludi est de mon­trer que si le mou­ve­ment fémi­niste a pro­gres­sé par « vagues » depuis les suf­fra­gettes — on parle ain­si aujourd’­hui d’un fémi­nisme de troi­sième ou de qua­trième « vague » —, ce qu’on oublie, c’est le res­sac. Celui-ci n’est pas le résul­tat d’un épui­se­ment du fémi­nisme, lequel aurait atteint ses objec­tifs, mais plu­tôt d’une réac­tion active : cette der­nière s’é­ver­tue à décré­di­bi­li­ser et dif­fa­mer le fémi­nisme comme mou­ve­ment poli­tique, par le biais de dis­cours ayant trait aux valeurs ; à affai­blir les droits des femmes et leurs pos­si­bi­li­tés de lutte par l’in­ter­mé­diaire de mesures éco­no­miques ; à saper la volon­té et retour­ner l’opinion des femmes via des repré­sen­ta­tions média­tiques. Faludi expose les res­sorts de la revanche et met en évi­dence deux causes pre­mières : la struc­tu­ra­tion de l’économie et la construc­tion de la mas­cu­li­ni­té. Si les réac­tions anti­fé­mi­nistes ont vu le jour, ce n’est ain­si « pas seule­ment à cause de la per­sis­tance du vieux fond de miso­gy­nie, mais avant tout parce que les femmes s’efforcent d’améliorer leur condi­tion et que les hommes, sur­tout lorsqu’ils sont mena­cés dans leur bien-être éco­no­mique et social, inter­prètent tou­jours cet effort comme une atteinte à leurs pré­ro­ga­tives » . L’actualité fran­çaise, hélas, l’illustre — de Polanski récom­pen­sé aux Césars à la répres­sion vio­lente de la mani­fes­ta­tion fémi­niste du 7 mars 2020. Si l’ou­vrage n’a pas per­du de son mor­dant, il s’a­gi­ra ici de le relire à la lumière des cri­tiques afro­fé­mi­nistes, à com­men­cer par Ne suis-je pas une femme ? de bell hooks, publié en 1980.

La faute des femmes

Toute l’en­tre­prise de Backlash peut être lue comme la décons­truc­tion des idées reçues anti­fé­mi­nistes qui nous imprègnent. Parmi elles : pré­ten­dues pénu­ries d’hommes, déna­ta­li­té, épi­dé­mie d’infécondité, déprime des femmes céli­ba­taires, mal­trai­tance dans les crèches — à l’op­po­sé d’un rôle mater­nel sacra­li­sé —, mais aus­si crises du mariage, de la mas­cu­li­ni­té ou encore de la fémi­ni­té… Autant de fan­tasmes sur les impacts ter­ribles du mou­ve­ment fémi­niste. Or, contrai­re­ment à ce que clament les anti­fé­mi­nistes, ce n’est pas l’arrivée des femmes sur le mar­ché du tra­vail qui menace « le bien-être éco­no­mique et social » des hommes : il n’est, au contraire, pas dif­fi­cile de consta­ter que dans un ménage hété­ro­sexuel marié (cel­lule de base de la socié­té dans le contexte de Faludi, et aujourd’hui encore), le fait que le mari et l’épouse tra­vaillent tous les deux ne peut mathé­ma­ti­que­ment qu’augmenter les reve­nus — du fait de la double jour­née fémi­nine, le tra­vail domes­tique conti­nuant à être assu­ré gratuitement2. Alors pour­quoi, lors­qu’un contexte par­ti­cu­lier menace éco­no­mi­que­ment les hommes — chan­ge­ments poli­tiques, guerre, krach bour­siers —, inter­prètent-ils leurs dif­fi­cul­tés comme étant liées à la mon­tée des droits des femmes (et par­ti­cu­liè­re­ment leur droit de tra­vailler) ?

[Giorgia Siriaco |www.gioeucalyptus.com]

À l’o­ri­gine de ces phé­no­mènes, on retrouve pour­tant majo­ri­tai­re­ment d’autres hommes en situa­tion de pou­voir. Ces der­niers tirent par­ti à la fois de la pré­ca­ri­té des femmes et du sen­ti­ment anti­fé­mi­niste, qu’ils inves­tissent eux aus­si. Tout en exploi­tant mal­gré tout le tra­vail fémi­nin dont ils déplorent le déve­lop­pe­ment, ils main­tiennent ces femmes dans un état de fra­gi­li­té sociale, les empê­chant de se consti­tuer en force d’op­po­si­tion. Ils gagnent une main d’œuvre moins chère et moins syn­di­quée en déviant les reven­di­ca­tions : le patron (sou­vent un homme) qui a licen­cié des employés, ou le repré­sen­tant poli­tique (sou­vent un homme) qui a fait voter des lois rédui­sant les droits des sala­riés, ne sont plus dans le viseur des contes­ta­tions quand les tra­vailleurs inter­prètent leurs dif­fi­cul­tés comme une consé­quence de l’arrivée des femmes sur le mar­ché du tra­vail. Elles font figure de bouc-émis­saires — en tant que masse sans visage, mais par­fois indi­vi­duel­le­ment. Les femmes « qui ont réus­si », impli­ci­te­ment cou­pables d’avoir rogné leur pla­fond de verre et d’être entrées dans un milieu d’hommes, sont les pre­mières accu­sées en cas de crise : lors de la crise éco­no­mique des années 1980, Karen Valenstein (vice-pré­si­dente de EF Hutton, groupe finan­cier) est ain­si prise pour cible par les médias domi­nants comme incar­na­tion de Wall Street, alors même qu’elle ne fait pas par­tie des per­sonnes les plus influentes.

Des cuisines aux usines, l’exploitation du travail féminin

« La pré­ca­ri­té fémi­nine est liée tant à la struc­tu­ra­tion de l’économie qu’à la construc­tion de la mas­cu­li­ni­té. »

Faludi le montre bien : les femmes arri­vant sur le mar­ché du tra­vail ne prennent pas la place des hommes. Elles occupent au contraire les postes dont ils ne veulent pas, à des condi­tions qu’ils refusent (Faludi n’en parle pas expli­ci­te­ment mais il fau­drait ajou­ter : tout comme les femmes noires occupent les postes dont les femmes blanches ne veulent pas, à des condi­tions qu’elles refusent). En découle une accu­sa­tion — faite aus­si aux immi­grés — de « cas­ser » le mar­ché du tra­vail, de faire bais­ser les salaires. Il s’a­git alors de faire pres­sion sur les femmes afin qu’elles aban­donnent : par des mesures éco­no­miques comme la sup­pres­sion des crèches et l’inégalité d’accès aux postes ; par des repré­sen­ta­tions média­tiques pro­mou­vant l’image de mère au foyer comme aspi­ra­tion ultime ; par la tolé­rance envers le har­cè­le­ment au tra­vail. Pourtant, les femmes sont une main‑d’œuvre docile et peu coû­teuse au ser­vice des capi­ta­listes… Sur le court terme au moins, et non sans cynisme, leur tra­vail sous-payé per­met une hausse des pro­fits. Mais il faut croire que la mise sous contrôle des femmes est dans ce contexte encore plus sacrée que la crois­sance.

C’est d’autant plus sur­pre­nant que les femmes les plus pauvres ont tou­jours tra­vaillé : dans les champs, dans les usines, en tant que domes­tiques… Aux États-Unis, le tra­vail des femmes noires esclaves puis des­cen­dantes d’esclaves n’a jamais été un sujet de débat. Mais ce tra­vail, en plus d’être sous-payé et consi­dé­ré comme dégra­dant, est per­çu comme une « exten­sion du rôle natu­rel de la femme [noire]3 » — Susan Faludi n’évoque d’ailleurs pas sub­stan­tiel­le­ment les dif­fé­rences entre les femmes blanches et noires dans son ouvrage : un défaut récur­rent dans la lit­té­ra­ture scien­ti­fique fémi­niste éta­su­nienne4. Une contre-offen­sive néces­saire, dont la logique semble avoir échap­pé aux employeurs comme aux syndicats5, est de lut­ter à la fois pour des droits égaux sur le plan sala­rial (avec une har­mo­ni­sa­tion vers le haut) et pour l’émancipation des femmes — puisque c’est leur situa­tion per­son­nelle pré­caire qui les pousse à accep­ter ces postes et ces condi­tions. Pour le dire autre­ment : de lut­ter à la fois contre un sys­tème patriar­cal et contre un ordre éco­no­mique fon­dé sur l’ex­ploi­ta­tion. La pré­ca­ri­té fémi­nine est liée tant à la struc­tu­ra­tion de l’économie qu’à la construc­tion de la mas­cu­li­ni­té.

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Puissance économique, puissance virile

C’est que la mas­cu­li­ni­té se construit éga­le­ment à tra­vers un rôle éco­no­mique. D’après le rap­port Yankelovich6, cité par l’au­trice, une grande majo­ri­té d’Étasuniens consi­dèrent que le pre­mier prin­cipe de la mas­cu­li­ni­té est la fonc­tion de chef de foyer et de père nourricier7. Notons tou­te­fois que cette éthique valo­ri­sante du tra­vail n’est pas uni­ver­selle, ni le lien entre mas­cu­li­ni­té et emploi. Pour les Noirs-Américains pauvres qui n’ont sou­vent accès qu’à des emplois exté­nuants et décon­si­dé­rés qui ne pro­curent ni richesse, ni sen­ti­ment d’accomplissement, le tra­vail ne peut être une source de fier­té, et donc de mas­cu­li­ni­té. Au contraire, accep­ter des emplois consi­dé­rés comme dégra­dants est vu comme démas­cu­li­ni­sant8 : l’homme décide, pré­ci­sé­ment parce qu’il ramène le pain. En bref, ses qua­li­tés de supé­rio­ri­té et d’autorité découlent direc­te­ment de son rôle éco­no­mique. De ce fait, l’ac­cès des femmes au tra­vail est res­sen­ti comme autant de viri­li­té reti­rée aux hommes. Si, de nos jours, en France, il semble que peu d’hommes soient trou­blés par le fait que leur épouse tra­vaille et par­ti­cipe à l’économie du ménage (ce qui n’était pas le cas 30 ans aupa­ra­vant), on peut tou­jours obser­ver des sur­vi­vances tenaces. Il est encore mal vécu que l’épouse gagne beau­coup plus que le mari et le « domine » économiquement9, alors même que cette situa­tion reste rare : en 2011, selon l’Insee, trois femmes sur quatre gagnent moins que leur conjoint. En outre, les femmes assument tou­jours beau­coup plus que la moi­tié des tâches domestiques10 : elles sont à la fois sou­tiens de famille et femmes au foyer, tan­dis que la contri­bu­tion mas­cu­line à la construc­tion du foyer reste prin­ci­pa­le­ment liée, dans les esprits, à l’argent qu’il y apporte. La situa­tion est para­doxale : les femmes, ayant his­to­ri­que­ment tou­jours été plus pré­caires (car moins consi­dé­rées, moins édu­quées, char­gées des devoirs fami­liaux et des métiers à temps par­tiel, du care…), sont les pre­mières vic­times des crises éco­no­miques — et se voient pour­tant accu­ser d’a­li­men­ter la pré­ca­ri­té.

Les vases communicants de la masculinité

« Cette image de la femme noire puis­sante per­met éga­le­ment d’é­loi­gner les femmes noires du mou­ve­ment fémi­niste majo­ri­tai­re­ment blanc. »

Cette pri­mau­té du pou­voir éco­no­mique, fon­da­teur de la mas­cu­li­ni­té aux yeux de Faludi, a pu être remise en ques­tion. Les hommes qui collent à cette éti­quette en retirent du pou­voir, mais ceux qui ne le peuvent pas ou choi­sissent de ne pas le faire sont-ils pour autant dévi­ri­li­sés ? L’irresponsabilité tour­née en déri­sion atta­chante, la fuite vue comme une prise de liber­té, l’indulgence envers les pères absents : notre socié­té par­vient très effi­ca­ce­ment à pro­po­ser des nar­ra­tions effi­caces qui pré­sentent la défaillance mas­cu­line comme accep­table (« boys will be boys ») ou même posi­tive. Cela va de l’homme qui « ne veut pas se prendre la tête » sur les appli­ca­tions de séduc­tion à « l’esprit libre rete­nu dans les chaînes du mariage », en pas­sant par le père divor­cé qu’on plaint car il ne voit ses enfants qu’un week-end sur deux… alors que, dans 80 % des cas, il n’a jamais deman­dé à avoir leur garde exclusive11. Pourquoi les épouses divor­cées auraient-elles tant de mal à obte­nir le ver­se­ment de leurs pen­sions ali­men­taires si ce rôle de pour­voyeur fon­dait le pri­vi­lège masculin12 ? Parce que ce rôle est avant tout ancré dans les repré­sen­ta­tions, et celles-ci n’ont pas for­cé­ment à être vali­dées sys­té­ma­ti­que­ment… Dans les faits, il y a des femmes pour­voyeuses et des hommes qui refusent de l’être sans perte de sta­tut social. Mais elles et ils sont effa­cés des repré­sen­ta­tions.

Le lien entre sexisme et capi­ta­lisme pour­rait donc moins être lié à la concep­tion de la mas­cu­li­ni­té qu’à l’utilisation par le capi­ta­lisme du sexisme comme miroir aux alouettes. Le sexisme fait des femmes les enne­mies cas­tra­trices ; il détourne l’attention des véri­tables forces déshu­ma­ni­santes à l’œuvre : les ins­ti­tu­tions racistes-sexistes du capi­ta­lisme impé­ria­liste — leur lais­sant ain­si toute lati­tude pour pros­pé­rer. Ce curieux sys­tème de vases com­mu­ni­cants de la viri­li­té est aus­si uti­li­sé dans le mythe supré­ma­ciste blanc de la femme noire matriarche. Ce sté­réo­type de la femme noire « trop » puis­sante, qui écra­se­rait son mari, a été don­né comme expli­ca­tion au faible taux d’emploi des hommes noirs : leur dif­fi­cul­té à s’insérer dans le sys­tème éco­no­mique serait due à leur émas­cu­la­tion par des femmes trop fortes. Ainsi, on masque le fait que c’est le racisme ins­ti­tu­tion­nel et le racisme des employeurs qui rend plus dif­fi­cile aux hommes noirs l’accès à l’emploi. Cette image de la femme noire puis­sante per­met éga­le­ment d’é­loi­gner les femmes noires du mou­ve­ment fémi­niste majo­ri­tai­re­ment blanc : leur sup­po­sée puis­sance (en réa­li­té accep­ta­tion stoïque de condi­tions d’existence sur les­quelles elles n’ont aucune prise) semble rendre inutile un quel­conque mou­ve­ment poli­tique libé­ra­teur.

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Les femmes contre les femmes

Plus sub­ti­le­ment que les attaques fron­tales des pas­teurs évan­gé­liques ou des mili­tants anti-avor­te­ment, le contre­coup consiste éga­le­ment à iso­ler les femmes pour les empê­cher de lut­ter effi­ca­ce­ment — mon­ter les femmes les unes contre les autres, en oppo­sant dif­fé­rents modèles tout aus­si contra­dic­toires qu’i­nat­tei­gnables de ce que doit être « la femme ». Les autres femmes deviennent des concur­rentes tan­dis que les hommes, hors de cette com­pé­ti­tion, peuvent prendre confor­ta­ble­ment la place de l’arbitre. bell hooks s’attarde sur cette dyna­mique dans le contexte de l’esclavage : l’arrivée des femmes noires esclaves a pro­vo­qué un chan­ge­ment dans la consi­dé­ra­tion des femmes blanches. Si les femmes blanches étaient les ser­vantes des hommes blancs, elles pou­vaient deve­nir maî­tresses à leur tour, par­ti­cu­liè­re­ment des femmes noires. Et la peur de perdre ce sta­tut a lar­ge­ment empê­ché toute soli­da­ri­té fémi­nine inter­ra­ciale de se construire. Ce défaut de soli­da­ri­té a conti­nué après l’esclavage. Il est inhé­rent au com­bat qui consiste à lut­ter pour les droits de la par­tie de la popu­la­tion dans laquelle on s’inscrit (par exemple, le droit de vote pour les femmes blanches de classe moyenne) sans remettre en ques­tion les racines des dis­cri­mi­na­tions, de lut­ter pour pou­voir s’intégrer dans un sys­tème oppres­sif.

« Certaines femmes conser­va­trices ont été les porte-éten­dards de ces mou­ve­ments anti­fé­mi­nistes. Faludi explique cette posi­tion a prio­ri para­doxale. »

Une autre facette de cette stra­té­gie d’i­so­le­ment et de dépo­li­ti­sa­tion consiste à dépeindre les dif­fi­cul­tés des femmes comme rele­vant de pro­blé­ma­tiques stric­te­ment per­son­nelles, voire psy­cho­lo­giques, et non sociales : « Dans [les années 1980], les guides pra­tiques et les divans ana­ly­tiques sont les deux seules formes d’aide qui s’offrent aux femmes démo­ra­li­sées ; à l’heure où l’es­poir d’un véri­table chan­ge­ment social ou poli­tique s’a­me­nuise, chan­ger soi-même devient la seule issue13. » Les ven­deurs de guides de déve­lop­pe­ment per­son­nel font leur beurre des anxié­tés fémi­nines et entre­tiennent le filon en remet­tant au goût du jour les vieilles théo­ries de l’hys­té­rie et du maso­chisme fémi­nin. Le céli­bat (des femmes uni­que­ment) est pré­sen­té comme une névrose, voire une « andro­pho­bie » — le remède miracle contre la dépres­sion étant le mariage. Pour la très média­tique psy­cho­logue éta­su­nienne Toni Grant, « le maso­chisme [est] un désir natu­rel­le­ment fémi­nin » qui pousse les femmes à « choi­sir » des hommes des­truc­teurs. Quant au fémi­nisme, il engen­dre­rait des psy­choses. L’autrice Robin Norwood vend ain­si des thé­ra­pies de groupe pour « les femmes qui aiment trop », qui seraient des « dro­guées des rela­tions ». Elle ne pro­pose pas pour autant d’é­du­quer les petites filles à ne pas tout attendre d’un prince char­mant, afin qu’elles deviennent des adultes éman­ci­pées. Enfin, l’é­di­tion 1985 du manuel diag­nos­tique et sta­tis­tique des troubles men­taux com­porte de nou­veaux troubles qui font des femmes des êtres souf­frant natu­rel­le­ment de mala­die men­tale, notam­ment les « troubles dys­pho­riques pré­mens­truels » et le « trouble maso­chiste de la per­son­na­li­té », dont voi­ci les symp­tômes : syn­drome de l’im­pos­teur, sou­ci des autres, sou­ci de ne pas être un far­deau, pro­pen­sion au sacri­fice…

Certaines femmes conser­va­trices ont été les porte-éten­dards de ces mou­ve­ments anti­fé­mi­nistes. Faludi explique cette posi­tion a prio­ri para­doxale : en reven­di­quant en public leur volon­té de sou­mis­sion et en obte­nant par là l’approbation mas­cu­line, elles acqué­raient en pri­vé la liber­té effec­tive de mener leur vie. Ainsi Susan Price, thé­ra­peute et autrice elle aus­si de guides de déve­lop­pe­ment per­son­nel, défend-elle la sou­mis­sion natu­relle de la femme et aver­tit contre le piège du fémi­nisme, tout en menant une car­rière pro­fes­sion­nelle écla­tante — ses enfants étant confiés à des baby-sit­ters. Dans le couple Levin, auteurs du livre Feminism and Freedom, où le fémi­nisme est décrit comme une idéo­lo­gie tota­li­taire et com­pa­ré au fas­cisme mus­so­li­nien, Margarita a une meilleure car­rière que son mari en tant que spé­cia­liste de phi­lo­so­phie des mathé­ma­tiques — alors même que leur ouvrage affirme que les filles sont nulles en maths ! Ces femmes gagnent en fait leur éman­ci­pa­tion en la refu­sant aux autres.

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The Self-Unmade Woman

Les femmes anti­fé­mi­nistes jus­ti­fient leur mode de vie en se pré­sen­tant comme des « excep­tions » et se dis­so­cient de la masse « gei­gnarde » des femmes, qui ne méri­te­raient que ce qu’elles ont. Après tout, si elles ont réus­si, c’est que c’est pos­sible, et l’é­chec de toutes les autres serait dû à une fai­blesse de carac­tère, une défaillance per­son­nelle. Au para­doxe de la femme anti­fé­mi­niste s’ajoute celui de la défense d’une méri­to­cra­tie abso­lue qui n’en essen­tia­lise pas moins les autres femmes, décrites comme pas­sives et impuis­santes, afin de ser­vir leur dis­cours et vendre leurs pro­duits. Le sen­ti­ment de culpa­bi­li­té s’allie alors à l’isolement pour convaincre les femmes que le mou­ve­ment fémi­niste est inutile, voire nocif. Cette dyna­mique est acti­ve­ment entre­te­nue par ceux qui ont tout inté­rêt à main­te­nir les femmes dans l’inégalité : outre les patrons, com­bien de publi­ci­taires, de chi­rur­giens esthé­tiques, de cou­tu­riers ou de coachs de bien-être tirent pro­fit de ce mal-être social réduit à un mal-être indi­vi­duel ?

« Outre les patrons, com­bien de publi­ci­taires, de chi­rur­giens esthé­tiques, de cou­tu­riers ou de coachs de bien-être tirent pro­fit de ce mal-être social réduit à un mal-être indi­vi­duel ? »

« Les femmes ne savent pas tirer avan­tage du pou­voir dont elles dis­posent », déclare en 1988 Kate Rand Lloyd, rédac­trice en chef du maga­zine Working Woman, citée par Faludi. « Ce que je regrette, c’est que nous ne com­pre­nions tou­jours pas ce que nous avons accom­pli, à quel point nous sommes indis­pen­sables, et que nous avons tous les outils néces­saires pour chan­ger notre ave­nir. » Mais com­ment se pen­ser forte et impor­tante dans un sys­tème où chaque mal­heur est impu­té à un man­que­ment per­son­nel ? Aux tra­vailleuses har­ce­lées des années 1980, on répon­dait « mariez-vous ! » plu­tôt que de punir les har­ce­leurs. De nos jours, c’est encore aux femmes que l’on recom­mande de « faire atten­tion » et non aux hommes de se contrô­ler. L’appareil judi­ciaire, les poli­tiques publiques et entre­pre­neu­riales ne sont pas neutres. Faludi ana­lyse à cet égard nombre de films et de séries télé­vi­sées à succès14 : en impré­gnant l’imaginaire col­lec­tif, ces œuvres de fic­tion ont natu­ra­li­sé cer­tains com­por­te­ments vio­lents et ont même ser­vi d’arguments dans des pro­cès et des débats poli­tiques, alors que la réa­li­té du ter­rain les contre­di­sait.

Une porte peut être ouverte ou fermée

Faludi décrit, en creux, une stra­té­gie de lutte contre le reflux anti­fé­mi­niste : s’at­ta­quer à la mas­cu­li­ni­té hégémonique15. Car tant qu’il y aura des maîtres, il y aura des esclaves. Au gré des diverses vagues du fémi­nisme, les femmes ont peu à peu ten­té de décons­truire la concep­tion de la fémi­ni­té — il reste encore du che­min. Mais cette démarche est encore bal­bu­tiante du côté des hommes. Ces der­niers gagne­raient pour­tant à être libé­rés de nom­breuses injonc­tions à prou­ver sa viri­li­té par des com­por­te­ments des­truc­teurs, à répri­mer les émo­tions per­çues comme fémi­nines, à la per­for­mance éco­no­mique et phy­sique — qui sont autant de contraintes. « En régime patriar­cal […] la norme cultu­relle de l’identité humaine est, par défi­ni­tion, l’identité mas­cu­line — la mas­cu­li­ni­té. [Elle] rime avec pou­voir, pres­tige, pri­vi­lège, et des droits sur et contre la classe des femmes. Voilà ce qu’est la mas­cu­li­ni­té. Ça n’est rien d’autre », écrit John Stoltenberg dans « Toward Gender Justice16 ».

Les cercles non-mixtes existent depuis long­temps. Ceux des femmes leur ont his­to­ri­que­ment appris une posi­tion conser­va­trice (res­ter à sa « place de femme », l’accepter et y prendre plai­sir) ; ceux des hommes ont créé des concep­tions de la mas­cu­li­ni­té tou­jours plus excluantes, nour­ries d’ai­greurs miso­gynes (le cli­mat « potache » des Boys’ Club dont on a pu voir encore récem­ment l’impact délé­tère sexiste, raciste et homophobe17. Pour Stoltenberg, la soli­da­ri­té mas­cu­line est la base de la per­pé­tua­tion du patriar­cat et « consti­tue le fond et la forme de toutes les ren­contres pos­sibles entre deux hommes18 ». Pour en faire des espaces de décons­truc­tion, il faut d’abord qu’ils puissent être choi­sis et non subis. La décons­truc­tion des fémi­ni­tés et des mas­cu­li­ni­tés néces­site à la fois des espaces non-mixtes sûrs et des espaces mixtes de façon, pour les pre­miers, à déve­lop­per une expres­sion longue dans un contexte soli­daire, et, pour les seconds, à sor­tir de son quant-à-soi et confron­ter les points de vue.

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Détricoter l’antiféminisme

Représentativité poli­tique, éga­li­té pro­fes­sion­nelle, accès à la contra­cep­tion : ces der­nières décen­nies, des mesures fémi­nistes ont été ins­crites dans la loi19. Mais leur appli­ca­tion pose tou­jours pro­blème, et les résis­tances sont tou­jours pré­sentes. Outre la réac­tion anti­fé­mi­niste, les mou­ve­ments fémi­nistes font face à plu­sieurs dif­fi­cul­tés, ain­si qu’à des cli­vages internes. D’une part, les logiques capi­ta­listes fon­da­men­ta­le­ment anti­fé­mi­nistes (puisque fon­dées sur l’exploitation) ont don­né nais­sance à un mar­ke­ting fémi­niste per­ni­cieux : le « pink washing » ou « femi­nist washing ». D’autre part, les luttes afro­fé­mi­nistes, déco­lo­niales, inter­sec­tion­nelles et anti­ca­pi­ta­listes sont encore trop sou­vent invi­si­bi­li­sées, car en porte-à-faux avec un fémi­nisme dit « uni­ver­sa­liste », blanc, lequel sert de pré­texte à des poli­tiques racistes, notam­ment islamophobes20.

« S’inscrire dans la struc­ture oppres­sive en place est un non-sens pour lut­ter contre les oppres­sions. »

Ces der­nières années, un grand mou­ve­ment de mise à jour des vio­lences faites aux femmes s’est fait entendre : #MeToo et #BalanceTonPorc. Il s’est heur­té à des résis­tances qui, en 2050, paraî­tront aus­si absurdes et mes­quines que les récri­mi­na­tions d’Allan Bloom aujourd’hui. Le cor­set des injonc­tions patriar­cales opère un peu moins autour de nos corps, de nos mai­sons — pas beau­coup moins autour de nos esprits. Dans quel sens tra­vailler pour abo­lir le trai­te­ment social dif­fé­ren­cié entre hommes et femmes ? À cet égard, les pistes pro­po­sées par Faludi n’ont (hélas) pas pris une ride : déjouer les logiques d’un sys­tème éco­no­mique fon­dé sur l’exploitation et l’inégalité ; décons­truire la mas­cu­li­ni­té hégé­mo­nique et la natu­ra­li­sa­tion du fémi­nin social ; com­battre la dés­in­for­ma­tion et pro­po­ser une repré­sen­ta­ti­vi­té média­tique réelle ; créer des dyna­miques de soro­ri­té et de bien­veillance. Backlash se conclut d’ailleurs sur un rap­pel de l’im­por­tance de la soro­ri­té, dont le manque criant est, selon Faludi, la rai­son de l’échec des mou­ve­ments fémi­nistes à résis­ter aux res­sacs de la revanche. La soro­ri­té se voit en effet détri­co­tée en per­ma­nence par le patriar­cat afin d’as­su­rer sa propre pré­ser­va­tion (par la com­pé­ti­tion des femmes entre elles, la miso­gy­nie inté­rio­ri­sée et la déva­lo­ri­sa­tion de la classe des femmes par les femmes, le maso­chisme entre­te­nu, etc.). En détri­co­tant d’un côté la soro­ri­té, il tri­cote de l’autre la soli­da­ri­té mas­cu­line qui main­tient un contrôle social des hommes entre eux (atten­tion aux « traîtres » à leur classe) en même temps que l’exclusion des femmes de la socié­té des hommes, légi­ti­mant ain­si le patriar­cat.

Et tout, tout de suite

S’inscrire dans la struc­ture oppres­sive en place est un non-sens pour lut­ter contre les oppres­sions. Vouloir accé­der à la place des hommes, c’est « accor­der une plus grande cré­di­bi­li­té à la mytho­lo­gie sexiste du pou­voir mas­cu­lin qui pro­clame que tout ce qui est mas­cu­lin est fon­da­men­ta­le­ment supé­rieur à tout ce qui est fémi­nin21 ». Virginia Woolf, dans Trois Guinées, pré­ve­nait déjà — tout en fai­sant de l’accès au tra­vail salarié/payé et l’indépendance éco­no­mique la clé de la libé­ra­tion des femmes — que cette libé­ra­tion ne devait pas se fon­der sur un mimé­tisme de la socié­té mas­cu­line, faite de pres­tiges creux et menant à la guerre. D’autres pen­seuses, notam­ment dans le cou­rant fémi­niste maté­ria­liste les­bien, théo­risent qu’on ne peut faire l’économie d’une abo­li­tion des classes de genre pour sor­tir de cette dyna­mique d’oppression. Un article de presse affir­mait récem­ment que le « fémi­nisme de 4e géné­ra­tion », appa­rem­ment carac­té­ri­sé par sa pué­ri­li­té tout autant que son incons­cience des réa­li­tés, vou­lait « tout, tout de suite ». Mais tous les méca­nismes de domi­na­tion sont imbri­qués, comme le démon­traient déjà brillam­ment les pen­seuses du Black Feminism dès les années 1970. Considérer une oppres­sion — de race, de classe, de genre — indé­pen­dam­ment des autres est une impasse, et fait cou­rir le risque d’en ren­for­cer cer­taines. Le sou­li­gner n’est pas l’a­pa­nage d’un « fémi­nisme de 4e géné­ra­tion » ; c’é­tait le mes­sage de Susan Faludi en 1991. C’était déjà ce qu’écrivaient Barbara Smith, Hazel Carby, bell hooks et les afro-fémi­nistes éta­su­niennes. C’était en 1986, en 1982, en 1979. Aujourd’hui, leurs tra­vaux nour­rissent un fémi­nisme qui se doit d’être anti­ca­pi­ta­liste et inter­sec­tion­nel — en bref, révo­lu­tion­naire.

Tout, tout de suite et pour toutes.


Photographie de ban­nière : Giorgia Siriaco | www.gioeucalyptus.com


REBONDS

☰ Lire notre entre­tien avec Melissa Blais : « Le mas­cu­li­nisme est un contre-mou­ve­ment social », décembre 2019
☰ Lire notre notre article « Audre Lorde : le savoir des oppri­mées », Hourya Bentouhami, mai 2019
☰ Lire notre entre­tien avec Françoise Vergès : « Dénoncer ce qui n’est qu’une fausse uni­ver­sa­li­té », avril 2019
☰ Lire notre entre­tien avec Christine Delphy : « La honte doit chan­ger de bord », décembre 2015
☰ Lire notre entre­tien avec Bérengère Kolly : « La fra­ter­ni­té exclut les femmes », octobre 2015
☰ Lire notre tra­duc­tion « Quand les élites mon­diales récu­pèrent le fémi­nisme », Hester Eisenstein, sep­tembre 2015


  1. L’édition uti­li­sée pour les cita­tions du pré­sent article est celle de Susan Faludi, Backlash, la guerre froide contre les femmes, trad. L. Éliane Pomier, É. Chatelain, T. Reveillé, Éditions des femmes, 1991. Les réfé­rences sont ici fran­çaises et états-uniennes. Une com­pa­rai­son avec d’autres pays reste à faire.
  2. Les familles aisées peuvent certes se payer des « femmes de ménages ». Ce sont tou­jours des femmes, sou­vent raci­sées, qui four­nissent alors un tra­vail qui n’est plus « gra­tuit » mais dont la délé­ga­tion par­ti­cipe à leur pré­ca­ri­sa­tion, et qui subissent ces double jour­nées de tra­vail domes­tique.
  3. bell hooks, Ne suis-je pas une femme ?, Cambourakis, p. 157.
  4. « La force qui auto­rise les auteures fémi­nistes blanches à ne faire aucune réfé­rence à l’identité raciale dans leurs livres sur les femmes, qui sont en réa­li­té des livres sur les femmes blanches, est la même force que celle qui pous­se­rait tout·e auteur·e qui écri­rait uni­que­ment sur les femmes noires à se réfé­rer expli­ci­te­ment à leur iden­ti­té raciale. Cette force, c’est le racisme. […] C’est la race domi­nante qui a le pou­voir de faire comme si son expé­rience était une expé­rience type. »
  5. Concernant l’évolution des syn­di­cats entre 1990 et 2020 aux États-Unis et en France, bien que les taux de syn­di­ca­tion tendent à se rejoindre, les femmes conti­nuent à être moins sou­vent syn­di­quées que les hommes. Cela s’explique aus­si par le fait que les sec­teurs his­to­ri­que­ment mas­cu­lins (bâti­ment, trans­port, éner­gie) aient une forte tra­di­tion syn­di­cale, contrai­re­ment au sec­teur très fémi­nin du care par exemple. Entre sou­tien de cer­taines luttes fémi­nistes et accu­sa­tions de har­cè­le­ment sexiste, le syn­di­ca­lisme fran­çais ne semble pas encore un clair allié. Voir Economic News Release et La syn­di­ca­li­sa­tion en France.
  6. The Yankelovitch Monitor, édi­tion 1989 — entre­tien per­son­nel de Susan Faludi avec Susan Hayward, direc­trice géné­rale de Yankelovitch Clancy Shulman, en sep­tembre 1989.
  7. C’est tou­jours le cas en 2017 : « Americans see men as the finan­cial pro­vi­ders, even as women’s contri­bu­tions grow », Pew Research Center, Kim Parker and Renee Stepler
  8. « L’homme état­su­nien attend de son rôle de sou­tien de famille qu’il le valide dans sa mas­cu­li­ni­té, mais le tra­vail en lui-même est déshu­ma­ni­sant — c’est-à-dire cas­tra­teur », écrit Myron Brenton dans The American Male — A Penetrating Look at the Masculinity Crisis. La crise de la mas­cu­li­ni­té, déjà décrite en 1966… Le tra­vail n’est donc viri­li­sant que lorsqu’il est socia­le­ment valo­ri­sant. La digni­té des femmes, elle, passe après la sur­vie éco­no­mique de la famille.
  9. Voir à ce sujet « Gender iden­ti­ty and rela­tive income within hou­se­holds », Marianne Bertrand, Emir Kamenica, Jessica Pan.
  10. En 2016, les femmes pas­saient deux fois plus de temps que les hommes à faire le ménage et à s’occuper des enfants à la mai­son selon l’Observatoire des inéga­li­tés.
  11. Voir la vidéo de Marine Périn sur le sujet.
  12. En 2019, en France, près d’une pen­sion sur deux est non payée.
  13. Backlash, la guerre froide contre les femmes, Éditions des femmes, 1991, p. 480.
  14. L’ouvrage ayant été publié en 1991, il s’a­git de pro­duc­tions des années 1980. Parmi les films cités : Liaison fatale d’Adrian Lyne (1987), Le prix de la pas­sion de Leonard Nimoy (1988), ou encore Working girl de Mike Nichols (1989). Du côté des séries télé­vi­sées, Faludi ana­lyse à la fois des séries qui valo­risent le rôle de ména­gère comme Just the Ten of Us ou Raising Miranda, et des séries met­tant en scène des héroïnes fortes dont les actrices ont subi des cam­pagnes hai­neuses, comme Roseanne ou Cagney and Lacey.
  15. Le concept de mas­cu­li­ni­té hégé­mo­nique a été déve­lop­pé par Raewyn Connell, socio­logue aus­tra­lienne. Pour une pré­sen­ta­tion du concept, on pour­ra se repor­ter à l’ar­ticle du blog Ça fait genre, « Masculinité hégé­mo­nique ».
  16. For Men Against Sexism, 1977.
  17. On pense à l’af­faire de la Ligue du LOL, mais le Boys’ Club est bien plus éten­du que cela.
  18. Ibid.
  19. Ces lois sont aujourd’­hui remises en ques­tion dans plu­sieurs pays (Pologne, États-Unis…), nous prou­vant une fois de plus que rien n’est gagné pour tou­jours et que la force de la revanche est vivante et active.
  20. Voir Christine Delphy, Classer, domi­ner, La fabrique, 2008, et l’ar­ticle « Lichen, vio­lence et sara­bande capi­ta­liste », Réfractions n° 43.
  21. bell hooks, ibid., p. 290.
Rafaëlle Gandini Miletto
Rafaëlle Gandini Miletto

Autrice féministe et LGBTI+, créatrice des microéditions Ragami et éditrice freelance.

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